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Canton

Fribourg reste à la traîne dans le bio

Le canton est le moins bien loti de Suisse en nombre d’exploitations bio. Le label Bourgeon progresse

Chez Werro’s Biohof, à Guin, les asperges bio sont cultivées sur plusieurs hectares.

 Patrick Chuard

Patrick Chuard

6 mai 2023 à 04:01

Agriculture » Le canton de Fribourg est l’une des lanternes rouges nationales de la production bio. Alors que la part des exploitations agricoles converties au biologique atteint 17,4% en Suisse et au Liechtenstein, elle ne dépasse pas 9,7% dans le canton. Seuls Schaffhouse et Appenzell Rhodes-Intérieures font moins bien, avec respectivement 9,2% et 6,8%, selon les données de Bio Suisse. On est loin des Grisons et de leurs 64%, qui font rêver tous les partisans du bio.

Pourquoi ce retard? Le spécialiste Pascal Olivier avance une explication simple: «La production laitière pour le fromage est très forte dans le canton de Fribourg. Le lait vendu pour le Gruyère AOP et le Vacherin fribourgeois AOP apporte un rendement meilleur aux producteurs que le lait d’industrie», explique le responsable de l’antenne romande de Bio Suisse. Le prix du kilo de lait «au départ de la ferme» pour le Gruyère atteignait 88,8 centimes en février, selon les chiffres de la faîtière Swissmilk, et 81,7 centimes pour le Vacherin.

«Le lait bio pour le fromage rapporte davantage, mais les contraintes pour les producteurs sont très importantes, ce qui peut être dissuasif», souligne Pascal Olivier. Il cite en particulier «les concentrés de soja ou de maïs qui ne peuvent pas dépasser 5% de l’alimentation des vaches en bio. Le label interdit également les transferts des embryons et la sélection genrée des semences de taureaux.»

Fribourg reste donc une terre de mission pour le bio. Il y a tout juste dix ans, un plan d’action «pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique» dans le canton visait à une augmentation de 50% des surfaces d’ici à 2020. «Il y a eu manifestement une volonté politique forte en 2013, puis les choses se sont un peu tassées», regrette Pascal Olivier. «L’objectif fixé il y a dix ans a été atteint, car le canton était alors à moins de 5%», fait remarquer Fritz Glauser, président de l’Union des paysans fribourgeois (UPF).

Un canton leader

La semaine dernière, les autorités cantonales soulignaient leur ambition de faire de Fribourg le «leader incontesté» de l’agroalimentaire (La Liberté du 29 avril). Pourquoi pas en bio? «Une augmentation de la demande des consommateurs pour le bio n’est pas confirmée par le marché. Les exploitations qui font une conversion acceptent de prendre des risques», a alors expliqué Didier Castella, conseiller d’Etat chargé de l’Agriculture. «L’idée de la stratégie agroalimentaire est de faire évoluer toute l’agriculture vers une meilleure protection de l’environnement mais tout en continuant à produire.»

Président de l’association Bio Fribourg, Guido Flammer confirme que le marché n’est pas favorable aux producteurs bio: «Les producteurs de lait pour le fromage labellisé n’ont pas intérêt à changer, comme dans le canton d’Appenzell. Pour les autres produits, ce sont les distributeurs qui font la loi: ils s’octroient des marges importantes, mais ils ne paient pas assez les producteurs pour assurer la viabilité des exploitations», dit l’agriculteur de Cugy. «Je vous cite le cas de la viande, où un producteur bio ne touche rien de plus, juste 30 centimes par kilo avec le label Natura Beef. Vous trouvez cela normal?»

Le retard de Fribourg est à nuancer, tempère Pascal Toffel, directeur de l’Institut agricole de Grangeneuve: «En matière de légumes bio, Fribourg est l’un des cantons leaders de Suisse. Le projet de passer le vignoble du Vully de 60% à 100% de bio est également remarquable.» Pascal Toffel souligne également que «la crise économique a brisé une partie de l’élan pour le bio. Les producteurs ont le souci d’écouler leurs denrées, et on voit que les consommateurs ne sont pas toujours conséquents entre le discours et les produits qu’ils achètent vraiment.» L’an dernier, la consommation de produits bio était de 439 francs par personne, accusant une baisse de 2% après une forte progression pendant la pandémie de Covid.

Agriculteurs formés

Fritz Glauser, paysan à Châtonnaye, a fait sa conversion au bio en 2012 déjà. «Il faut savoir qu’on peut difficilement produire de la betterave, de la pomme de terre, du colza ou du tabac en bio, or ces cultures sont très présentes dans la Broye notamment. Pour écouler du lait bio en fromagerie, il faut également que celle-ci soit équipée pour ce type de production. Bref, le bio n’est pas adapté pour toutes les exploitations», explique le chef de file de l’UPF.

Guido Flammer juge cependant qu’un effort supplémentaire pourrait être fait dans la formation des agriculteurs: «On devrait commencer par mieux connaître les produits que la nature nous offre pour soigner les cultures. On oublie qu’avant l’arrivée de l’industrie chimique, le bio était la base de notreproduction», plaide le paysan broyard.

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