Kinstaar, 19 ans, a tout d’une star
Un jeune Fribourgeois participe ce week-end à la Coupe du monde de Fortnite, à New York.
Partager
Kessava Packiry, New York
27 juillet 2019 à 04:01
Jeux vidéo » Dans le monde de Fortnite, il ne peut en rester qu’un. C’est la loi de la jungle, de la rue, du Bronx. Mais c’est dans le Queens, à New York, que se déroule ce week-end la première Coupe du monde de ce jeu vidéo, produit par Epic Games. L’événement réunit 200 joueurs, sélectionnés parmi 40 millions de combattants, fins prêts à s’affronter dans l’arène du stade Arthur Ashe de Flushing Meadows. «C’est incroyable. C’est un lieu de légende», s’émerveille Romain Melaye, le coach de Kinstaar.
Kinstaar? Duong Huynh, alias Kinstaar, un joueur professionnel de Fortnite qui, à 19 ans, est considéré comme l’un des meilleurs du monde. D’origine vietnamienne, ce gamer aux lunettes jaunes a grandi à Fribourg, dans le quartier du Schoenberg. Il aurait pu devenir gestionnaire de commerce de détail, et finir éventuellement par travailler dans une station-service du Grand-Fribourg. Mais il a laissé tomber son apprentissage à la suite des offres que ses camarades de jeu et lui ont reçues en 2018, lorsqu’ils ont brillamment remporté un tournoi à Lyon. C’était sa première LAN (rassemblement de joueurs en réseau).
L’ancien adolescent reclus, qui ne sortait pas, fait aujourd’hui l’admiration de sa petite sœur et de ses camarades de classe. Mais un peu moins de sa mère, laissait-il entendre dernièrement à Nouvo: «Elle ne comprend toujours pas ce que je fais.» Kinstaar a quitté Fribourg pour Tours (F,) où est basée Solary, la structure pour laquelle il joue. Et c’est l’un des cinq Suisses engagés dans la compétition new-yorkaise, le seul à s’être qualifié dans les catégories solo et duo, les quatre autres opérant en duo uniquement.
Une vedette en France
La Liberté a bien tenté de l’approcher. La galère. A l’instar de la plupart des joueurs, Kinstaar est une star qui compte près de 250 000 followers sur Youtube. «Vous n’imaginez pas toutes les sollicitations que je reçois. C’est de la folie, glisse Romain Melaye. En France c’est une immense vedette. Nous sommes obligés parfois de nous déplacer avec des gardes du corps. En Europe, dans certaines compétitions, il y a même des joueurs qui viennent lui demander des autographes.»
Cela n’étonne pas Selim Krichane. Collaborateur scientifique à l’Université et à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, cofondateur de l’Unil Gamelab, un groupe d’études sur le jeu vidéo, il fait remarquer que la plupart de ces joueurs sont actifs sur plusieurs supports digitaux. «Ce sont aussi des youtubeurs, des influenceurs ou des streamers (l’internaute partage son écran avec une communauté, ndlr). Ils sont ainsi suivis par de très nombreuses personnes», explique-t-il. Le jeu, poursuit Selim Krichane, est devenu une activité sociale très populaire. «Il y a un aspect spectacle, qui génère énormément d’argent: comme il y a beaucoup de spectateurs, il y a également beaucoup de sponsors. Pour ce tournoi, Epic Games a débloqué d’importantes sommes pour promouvoir l’e-sport et son produit.»
Et ça marche: «A New York, tout le monde parle de Fortnite. A Times Square, Epic Games s’est approprié la moitié des panneaux lumineux. Ce qu’ils sont en train de faire là c’est du jamais-vu», avancent Nicolas Hausmann et Jean Rausis, respectivement directeur et coach mental de Stratum, une structure de l’e-sport nouvellement créée, basée à Montreux. Avec trois autres membres du staff, ils sont venus à New York pour encadrer l’un de leurs jeunes protégés, le Parisien Idris «Snayzy» Aichouche, 16 ans.
Tous ces joueurs sont choyés. Ils sont logés au cœur de Manhattan, au Grand Hyatt, à près de 450 dollars la nuit. De plus, chaque participant a touché 50 000 dollars (à peu près l’équivalent en francs suisses) pour s’être qualifié. Le plus jeune a à peine 13 ans, avec une moyenne d’âge de 15-16 ans, estime Romain Melaye. Enfin, le vainqueur de chaque catégorie touchera un chèque de 3 millions de dollars…
Beaucoup d’argent
Romain Melaye assure que Kinstaar ne sera pas affecté par tout cela. «C’est un gamin. Mais qui ne fait pas n’importe quoi alors que sa tête pourrait gonfler. Parce que, mine de rien, il brasse déjà beaucoup d’argent.» Dans ce monde parallèle, les joueurs sont traités comme des sportifs de haut niveau. «Kinstaar prend bien soin de lui. Il a commencé la musculation il y a un an, fait beaucoup de vélo. Et pour ce qui est de la diététique, il ne fait pas n’importe quoi. Pour certains de ses coéquipiers, ce n’est pas ça», sourit Romain Melaye.
«Nos joueurs ont tous leur vie à côté. Nous ne pouvons, ni ne voulons tout contrôler. En même temps, cela leur permet de se construire en tant qu’adulte», ajoute le Français. A New York, Kinstaar maintient sa discipline: lever, petit-déjeuner, entraînement, repas du midi, entraînement, repas du soir, et au lit. Et c’est comme ça depuis une semaine. «Nous n’avons pas trop le temps de visiter. Mais s’il gagne, nous reviendrons pour profiter.» Romain Melaye est persuadé que son poulain va réussir un grand coup. «Son sang-froid et sa créativité sont ses points forts. Et il a une lecture du jeu absolument incroyable. C’est une machine de guerre!» Avec lui, Solary vise au moins le top cinq pour la catégorie solo.
Hier dans le stade Arthur Ashe, les joueurs ont ouvert les feux avec un tournoi caritatif. Le Genevois Karim «Airwaks» Benghalia, également membre de Solary, était de la partie. «Il a 24 ans, et c’est un ancien joueur de League of Legends. Il a déjà gagné 500 000 dollars il y a quelques mois pour le compte du WWF», détaille Romain Melaye. Le tournoi se poursuivra aujourd’hui, avec le combat des duos, puis demain, avec celui des solos.
Ce contenu provient de notre ancien site web. Il est possible que sa mise en page ne soit pas idéale. En savoir plus