Onguents, élixirs et chair de vipère. plongée dans l'histoire des apothicaires
L’historien Alain Bosson invite à traverser sept siècles dans l’histoire régionale des apothicaires
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Pascal Fleury
6 mai 2021 à 19:51
Histoire » Plantes médicinales, huiles essentielles, confection d’hyacinthe, élixirs d’alkermès, thériaques secrètes, vinaigre des quatre voleurs… Depuis plus de sept siècles, les Fribourgeois sont aux petits soins! L’historien de la médecine Alain Bosson le révèle dans un ouvrage passionnant plongeant le lecteur dans le monde des apothicaires, des premiers comptoirs médiévaux aux officines modernes. L’étude, complétée d’un dictionnaire biographique des pharmaciens fribourgeois de 1309 à 1960, met en lumière leur esprit novateur et leur grand engagement dans la vie publique. Entretien.
A ses débuts, l’histoire de la pharmacie fribourgeoise se confond largement avec celle des pays voisins. Quand le métier de pharmacien est-il né?
Alain Bosson: Le métier de pharmacien s’est progressivement détaché de celui de préparateur médical au XIIIe siècle, d’abord en Italie du Nord, puis en Allemagne et en France. Cette autonomisation vis-à-vis du corps médical s’explique par une complexification de la profession. En 1231, l’empereur Frédéric II édicte la première réglementation du métier d’apothicaire pour le Royaume de Sicile. Ces dispositions seront reprises assez largement en Occident. A Fribourg, les premiers pharmaciens sont des Italiens hautement formés, qui accompagnent des banquiers et commerçants lombards. Le premier d’entre eux est Jaquinus ou Jaqueminus d’Asti, mentionné entre 1309 et 1327 dans divers documents.
Aux XIVe et XVe s., Fribourg connaît un boom économique favorable à l’installation de pharmacies…
Les apothicaires italiens qui débarquent à Fribourg sont de véritables entrepreneurs. Déjà fortunés en arrivant, ils ouvrent des officines et acquièrent des biens fonciers. Ils s’intègrent facilement car il suffit à l’époque d’acheter une maison pour devenir bourgeois de la ville. Ainsi en est-il de Jean Oguey, d’origine piémontaise, qui s’établit à la Grand-Rue en 1366, alors que la cité se relève de la grande peste. Le premier apothicaire d’origine fribourgeoise, qui a vraisemblablement accompli son apprentissage sur place, est Johannes Malchi, fils d’un riche marchand. Son officine était au numéro 33 de la Grand-Rue. Il est probable qu’une bonne partie du chiffre d’affaires de ces premiers apothicaires ait été obtenue grâce aux colorants et agents dégraissants fournis aux tanneries et aux entreprises textiles fribourgeoises qui commerçaient avec la France et le sud de l’Allemagne.
On trouvait alors de tout sur les comptoirs des pharmacies?
Des remèdes de toutes sortes, évidemment préparés à l’officine: plantes médicinales, huiles essentielles, poudres, onguents, confection d’hyacinthe, liqueur d’alkermès, élixir balsamique, vomitif à base d’antimoine, drogues minérales, poisons comme le vif-argent et l’arsenic. Mais aussi de la cire et de l’encre pour la chancellerie, des cordes et plus tard des produits exotiques, comme l’écorce de quinquina, le gingembre, le café ou le cacao, que les Fribourgeois découvrent dans les pharmacies. Et bien sûr le fameux vinaigre des quatre voleurs, une macération à propriétés antiseptiques dont la recette est détaillée dans le Dispensaire fribourgeois de 1790, la première pharmacopée connue dans le canton, qui a permis de mieux encadrer la profession.
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