Invitée » Quand elle entre dans la pièce, sa silhouette élégante, sa jupe, son sourire, tout semble danser avec elle. Sur son cache-cœur, des phénix déploient leurs ailes, comme un écho. Nadejda L. Loujine a connu enfant les bombes d’Algérie, puis de multiples brisures, au propre comme au figuré. Mais la danse est sa vie; et son feu l’anime, chassant les ombres de son regard. Après avoir dansé au Ballet national à Kiev, elle transmet aujourd’hui cette flamme en tant que professeur et chorégraphe aux professionnels et élèves, du Japon aux USA, de la Russie à la Suisse. Avec rigueur et discipline, une sensibilité sans sensiblerie; en passeur d’émotions. Une femme de caractère… qui le danse. Puisqu’elle a notamment enseigné la «danse de caractère» durant plus de 30 ans à Fribourg.
«Je n’ai jamais voulu faire autre chose!» confie-t-elle. Elle et son frère naissent en France mais grandissent en Algérie, dans une famille aux moyens modestes. Son père, orphelin et antimilitariste entré dans l’armée pour nourrir ses frères et sa mère, est envoyé en Algérie, où sa famille le suit. Nadejda y baigne dans des influences multiples: «Sens paternel du devoir et de l’organisation, allié à une passion pour l’art», «bon sens terrien doublé d’un côté intuitif» de sa mère, couturière guérisseuse.
Privé
Nadejda L. Loujine naît en France mais a vécu les évènements d’Algérie. Elle habite Paris, mais voyage régulièrement.
Profession
Professeure de danse de caractère à Fribourg depuis 1997, elle y est invitée pour les classes de maître au conservatoire depuis 2006. A enseigné à l’Ecole du ballet de l’Opéra national de Paris, au Théâtre du Soleil. Chorégraphe pour l’Opéra de Barcelone, dernière production en 2022. Chevalier des arts et des lettres, publie des livres sur la danse de caractère.
Des valeurs «essentielles» sur lesquelles elle basera son enseignement de la danse. C’est au cœur des «événements d’Algérie» que prend forme son rêve. Alors que les bombes tombent, elle demande à sa mère… de lui trouver des cours de danse – mais ne pourra en faire qu’à son retour. En 62 la famille, contrainte de rentrer par le dernier bateau, se retrouve en France, «dépossédée de tout». Ce traumatisme de l’exil habitera toutes les créations de Nadejda qui, pourtant, saura le transformer en lumière.
De retour à Paris, à 6 ans, ses chaussons à peine achetés par sa mère, elle court se mettre à la barre – ce qu’elle fera dès lors tous les jours excepté le dimanche – sans penser à remercier, ce qui lui vaudra d’être privée de souper. Qu’à cela ne tienne: enfant peu difficile mais «tenace», elle a «besoin d’aller au bout des choses». Cet objectif inquiète ses parents mais «stricts par devoir, ils lui ont toujours permis de faire ce qu’elle voulait». Et Nadejda est bonne élève. Elle fait ainsi ses classes à Paris et en parallèle, dès 16 ans, se paye des cours de danse en en donnant. A 17 ans, elle part en ex-Union soviétique. Et à 18 ans, bac en poche, intègre le Ballet national d’Ukraine, à Kiev, comme stagiaire. «On passait 7 h 30 de répétitions avec 2 m de neige! Et la concurrence était rude.»