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Signature terroir

Reconversion. Il fabrique de la farine et du pain, par conviction

S’il a commencé sa vie professionnelle par un apprentissage de paysagiste, Cédric Progin fabrique du pain depuis 2017 à l’enseigne du Grain à Moudre, à Gletterens. Etre artisan, c’est donner du sens à son travail et défendre des valeurs.

Cédric Progin moud des farines issues de la production régionale et estampillées bio. Elles servent à fabriquer le pain.Charly Rappo

Jean-Michel Zuccoli

Jean-Michel Zuccoli

3 octobre 2024 à 15:07

Temps de lecture : 3 min

Conserver toutes les vitamines présentes dans les germes des céréales afin d’obtenir une farine vivante qui garde ses valeurs nutritives: telle est la caractéristique principale du moulin Astrié, développé par les frères André et Pierre Astrié. Grâce à une vis sise entre deux meules en granit, les frictions sont réduites, les grains ne subissent que peu d’oxydation.

L’un de ces moulins a trouvé place dans une vieille grange à Gletterens, où Cédric Progin et sa famille ont posé leurs valises il y a une dizaine d’années. Hasard de la vie, cette ferme abritait un laboratoire de boulangerie et une épicerie dans les années 60. «Mon arrière-grand-papa tenait le moulin du Bugnonet à Lully», ajoute le Broyard, qui a vécu ses premières années à Curtilles avant de s’établir en Gruyère dès l’âge de 6 ans.

Avec du levain fait maison

Dans la bâtisse de Gletterens, un espace est à nouveau dédié à la fabrication du pain. Cédric Progin y moud notamment des farines d’épeautre, froment, sarrasin ou amidonnier, issues de la production régionale et estampillées bio. Elles servent à fabriquer le pain «comme il a été fait pendant des siècles en respectant la terre nourricière», relève le fondateur du Grain à Moudre. Sans additif, les pains sont faits principalement sur commande pour ne pas devoir jeter les invendus. Ils lèvent durant 18 heures à 24 degrés grâce au levain fait maison. «Aujourd’hui, le pain est généralement fait beaucoup trop vite, ce qui contribue à le rendre moins digeste.»

Car s’il a commencé à fabriquer du pain, tout d’abord pour sa famille, puis pour ses clients dès 2017, c’est un peu par hasard. «J’ai commencé à utiliser le robot ménager familial. Puis j’ai découvert la beauté du geste du pétrissage, se remémore-t-il. L’essentiel de la semaine est consacré à la production de pain, une septantaine d’heures, avec le soutien de mon épouse Sara. Je trouve du sens à être artisan.»

« J’ai découvert la beauté du geste du pétrissage »
Cédric Progin·Artisan

Le rôle du consommateur

D’abord apprenti paysagiste, Cédric Progin suit une formation d’ingénieur en gestion de la nature pour prendre la tête d’un bureau d’architecte paysagiste. Sa reconversion? Un engagement. Il se documente et prend conscience des valeurs que véhiculent les métiers artisanaux, lorsqu’on les confronte aux enjeux civilisationnels. «J’ai constaté les dérives de l’agrobusiness, explique ce cartésien subversif. La perte de repères provoque l’ignorance de ce qu’est le travail artisanal, qui n’existe presque plus.»

Pour Cédric Progin, le travail doit être rémunéré à sa juste valeur et permettre à un artisan ou à un producteur d’en vivre. Il s’insurge contre la production à la chaîne qui péjore les conditions de travail et pointe du doigt la systématique de l’augmentation des volumes et de la diminution des coûts.

Le consommateur a aussi un rôle à jouer. «Il estime trop souvent que le produit artisanal est trop cher, parce qu’il le compare à un produit qui paraît similaire mais qui est fabriqué industriellement», expose Cédric Progin. Et de se poser la question: les dépenses pour les loisirs et les vacances ne devraient-elles pas être mises en perspective avec celles utiles à une alimentation saine, locale et produite dans le respect du vivant? «La poursuite de la production de farine et de pain m’a surtout permis de traduire en actes ma volonté de lutter contre les dérives mortifères inhérentes à notre époque ou, plus humblement et de façon plus réaliste, de ne pas y participer, explique-t-il. J’ai envie de faire les choses de manière juste et d’inculquer ces valeurs à mes trois enfants.»

Une liberté de vivre et de penser qui n’a, à ses yeux, pas de prix.

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