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La Conspiration de Vaduz (3/3) - Destination

L’article en ligne – Nouvelle » Les deux frères G. et P., accompagnés de l’Argovienne, ont quitté Thoune tôt dans la nuit.


Amédée Hirt

Amédée Hirt

27 mars 2023 à 12:58

Les premiers rayons de soleil commençaient à percer derrière les sommets massifs de la Blüemlisalp. Fribourg et Gottéron dans la voiture de l’Argovienne, au volant, avaient quitté Thoune tôt dans la nuit et suivaient une jeep rouge à travers Kandersteg. Symboles d’un monde passé, l’autocollant à la gloire de Beat Feuz collé sur son pare-brise arrière s’écaillait. Le véhicule transportait leur escorte, un petit groupe de membres de la résistance, des locaux pour la plupart. Le chauffeur était un vieux paysan du coin qui connaissait la route par cœur et que l’Argovienne avait bien du mal à suivre.

Le tout-terrain quitta bientôt le village et s’engagea sur une route escarpée. Les maisons se clairsemaient et la pente se raidissait. Rapidement, l’asphalte devint graviers et le lit large de la Kander se transforma en gorge creusée dans la roche. La route se faufilait dans la roche, prenant de la hauteur, sans que la jeep ne ralentisse pour autant. Un virage brusque fit crisser les pneus près du ravin et les deux voitures plongèrent dans les entrailles béantes et obscures d’un tunnel.

L’Argovienne suait. Une veine ressortait de son front crispé. Elle était tellement concentrée sur la route qu’elle faillit ne pas voir que la jeep rouge s’était arrêtée. Un barrage de militaires armés bloquait la route. La conductrice pila sur les freins et manqua d’emboutir la voiture de l’escorte.
Grasshopper, le chef de la petite troupe qui les accompagnait, s’approcha d’eux et toqua à la fenêtre de Fribourg.

     – Il va falloir continuer à pied, la route est minée à partir de là. Mais ne vous inquiétez pas mes schatzi. On va s’occuper de vous. Le sergent là-bas va nous guider. C’est lui qui a posé les explosifs, donc il connait le chemin.

Les deux frères réunirent leurs affaires et se tournèrent vers l’Argovienne :

     - C’est ici qu’on se sépare…, commença Fribourg.
     - … hör bitte auf. Pas d’adieux larmoyants. Dépêchez-vous et surtout réussissez votre mission !, le coupa leur pilote.
     - Merci vilmal quand même ! Bon vent, et à bientôt, lui répondit Gottéron.

Il tira son frère par le bras et emboîta le pas au militaire qui les attendait avec leur escorte.

Grasshopper n’avait pas menti, le sous-officier connaissait l’itinéraire par cœur et la colonne passa sans encombre l’obstacle. Le chef de leur escorte prit alors la tête et s’engagea sur un petit sentier serpentant dans un pâturage perché. Brusquement, il bifurqua et s’arrêta devant une paroi rocheuse infranchissable.

     - Nous y sommes. Wilkommen in der Führungsanlage K20. La présidente et le reste du Conseil fédéral vous attendent, messieurs.

Pendant qu’il parlait, un pan de falaise s’était soulevé pour dévoiler une porte blindée. Le bunker du Conseil fédéral. Enfin.

Sans plus attendre, les deux frères poussèrent la porte qui s’ouvrit dans un grincement sur un couloir éclairé au néon. Au fond, le corridor s’élargissait et un groupe de personne semblait les attendre. Ce qu’il restait du Conseil fédéral et le haut commandement de l’armée, in corpore, tous en treillis militaire.

Les salutations protocolaires furent vite abrégées par la présidente qui s’adressa sans cérémonie à Fribourg et Gottéron.

     - Alors, vous l’avez ? Dites-moi que oui, le sort du pays en dépend.

Fribourg poussa son frère vers l’avant. Gottéron, tremblant, farfouilla dans sa poche et en extirpa péniblement une clé USB, et la tendit à la ministre.

     – Voilà, comme demandé, votre clé, Madame la présidente.
     - Et l’autre objet ? Vous l’avez ? C’est le plus important !
     - Plus important que la clé USB ? Vraiment ? Oui, je l’ai. Mais je vous avoue, que je n’ai pas très bien compris pourquoi vous me demandiez de vous ramener un simple stylo 4 couleurs. Il est joli, certes, en plus gravé avec votre nom, mais ça n’est …
     – Stop, taisez-vous et donnez-le-moi. Vous n’avez aucune idée de ce qu’il représente. Ce « simple stylo » comme vous dites, est une clé. Et pas n’importe quelle clé. C’est celle qui ouvre notre arsenal secret, ici dans le Gasterntal. On a de quoi rayer le Liechtenstein de la carte une dizaine de fois, hahaha ! Prends-garde AirMax ! Il n’existe qu’un seul double de cette clé. Ou plutôt existait. L’autre se trouvait dans le bureau du Général Meier, à la caserne d’Aarau. Et vous savez ce qu’il s’est passé après Beznau… Heureusement, le général était à Berne, avec moi. Il sera heureux.
     - Et la clé USB ?
    – Ooh rien de très important. Elle contient les procès-verbaux de nos dernières séances. Bon, trêves de bavardages Allons donner la clé au général. Il sera content d’enfin accéder à cette réserve d’armements. Je crois qu’il se réjouit particulièrement de mettre la main sur un stock d’élastiques de jambes. En tous les cas messieurs, Fribourg et surtout vous, Gottéron, la patrie vous doit une fière chandelle. Vos efforts ne resteront pas sans récompense. Je vous le promets. En attendant, vous avez bien mérité du repos. Je crois qu’il doit rester un paquet de mélange fondue quelque part. Allez en profiter.

Il n’en fallu pas plus aux deux frères qui s’éloignèrent d’un pas léger. Soulagés d’un fardeau qu’ils n’imaginaient pas autant lourd, ils passèrent devant Grasshopper qui les honora d’un salut militaire. L’appel du fromage fondu éclipsa rapidement dans leurs têtes toutes leurs aventures des derniers jours.

Fin.

 

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