Michaël Perruchoud
15 septembre 2023 à 18:55
Le mot de la fin » Cyrille a vécu vingt ans loin de la Suisse et, depuis son retour, il sent comme un manque de liberté, de lieux où s’extraire du monde, où se sentir lui-même. Parfois, il prend son parapente, il survole les plaines et les lacs, sans trop savoir où il atterrira. «Plus tu voles, dit-il, plus tu arrives à voler longtemps!» Ainsi, Cyrille quitte les pesanteurs du monde pour planer trois ou quatre heures les yeux dans les nuages, le cœur vibrant, avant d’en revenir à la terre comme à regret, les muscles usés par l’effort, mais avide d’y retourner.
Le ciel, ce n’est pas tous les jours. Il y a la météo, les vents et les orages avec lesquels on ne rigole pas, et puis, il y a le temps disponible, les rares plages vertes de l’agenda qu’il n’est pas facile de pouvoir repeindre en azur. Au sortir du travail, ce jour de canicule tardive, Cyrille ne s’est donc point muni de son grand sac à dos et de son matériel de vol, à peine d’un petit pagne et d’une bouteille d’eau. Il quitte le village vaudois où il s’étonne encore de vivre après tant d’années d’Erythrée, de Vietnam, de Ghana et il s’enfonce dans les broussailles pour gagner la rivière.
Loin de tout
Peut-être récite-t-il quelques vers de Jean Villard Gilles, puisque c’est dans la Venoge qu’il se plonge, les habits sur un rocher au bord de l’eau, seul et nu dans la fraîcheur. Les yeux fermés sous le ciel qu’il espère regagner tout bientôt, il se laisse aller, il se détend, il n’est plus que lui-même. Il a l’impression d’être revenu en Afrique. Loin de tout. En paix. Et puis, des bruits se font entendre, des babillages, des cris: un père et ses deux petites filles sont venus patauger là, dans le méandre, juste en amont. Cyrille se souvient d’être nu et qu’on ne se montre point ainsi en Suisse. Alors, il se laisse aller au gré du courant. Il s’éloigne des importuns. Il est bien. Mais d’autres promeneurs approchent de la rive pour y pique-niquer. La solitude est une quête sans fin.
Cyrille se dirige donc à la brasse vers deux rangées de broussailles épaisses, une parcelle de rivière aux rives inhospitalières. Là, dans un bassin improvisé, sûr d’être enfin seul, il s’arrête pour observer le manège des oiseaux. C’est ainsi qu’il croise un martin-pêcheur. Il suit ses évolutions, son art de traquer ses proies, de jouer avec les branches et le fil de l’eau.
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