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Pascal Gygax. «Il faudrait reféminiser la langue»

Coauteur d’un récent livre sur le sujet, le psycholinguiste Pascal Gygax plaide pour un français inclusif

Semaine du cerveau. Interview de Pascal Gygax, psycholinguiste expérimental et spécialiste de psychologie cognitive à l'Université de Fribourg, sur l'écriture inclusive. Photo Lib / Charly Rappo, Fribourg, 07.03.2019Charly Rappo

 Sevan Pearson

Sevan Pearson

9 juin 2021 à 23:33

Temps de lecture : 1 min

Société » Faut-il «démasculiniser» le français? C’est en tout cas ce que propose un ouvrage paru récemment et coécrit par le psycholinguiste Pascal Gygax de l’Université de Fribourg (Le cerveau pense-t-il au masculin? Editions Le Robert, 2021). Le chercheur insiste sur l’importance d’une langue inclusive.

Pourquoi appelez-vous à «démasculiniser» le langage?

Pascal Gygax: En n’utilisant que le masculin, on exclut toute une partie de la population qui ne s’identifie pas à la catégorie «homme». Il faudrait commencer par «reféminiser» la langue française.

Reféminiser?

Oui, car le français a subi plusieurs vagues de masculinisation: aux XIIIe et XIVe siècles, au XVIIe siècle et à la fin du XIXe siècle. Ainsi, jusqu’au XVIIe siècle, on utilisait les termes d’autrice, de mairesse, de médecine ou encore de philosophesse. Ces mots ont été rayés du dictionnaire de l’Académie française pour signaler aux femmes que ces activités étaient réservées aux hommes. Enfin, toujours jusqu’au XVIIe siècle, l’accord de proximité avait cours: «les hommes et les femmes sont heureuses d’être là». Ces règles et ces mots peuvent tout à fait être réintroduits. D’ailleurs, dans l’usage, la règle de proximité n’a pas vraiment disparu.

Pourquoi, selon vous, est-il important d’utiliser un langage inclusif?

A lui seul, il ne va pas résoudre la question de l’égalité. Mais il représente une porte ouverte sur ce sujet. Un langage inclusif offre une meilleure visibilité des femmes et des personnes non binaires, leur donne la possibilité de se sentir concernées et modifie les représentations sociales. Parler de «mathématicienne» à des petites filles leur permet ainsi de se projeter dans cette profession. En outre, l’usage des mots a une grande influence sur notre manière de penser. Dans 1984 d’Orwell, la novlangue bannissait le terme «liberté», afin que la population ne puisse même pas y songer… Un peu comme l’Académie lorsqu’elle a souhaité faire disparaître «autrice».

Concrètement, que suggérez-vous?

Il existe différents outils. Comme dit plus haut, réintroduire d’anciennes règles et des mots oubliés est possible. Employer des doublets constitue également une solution (étudiantes et étudiants, par exemple). On pourrait même imaginer des néologismes neutres comme «lecteurices» ou «iel» (pour il et elle), permettant d’inclure hommes, femmes et personnes non binaires.

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