Politique » «Eh les fumiers, vous venez boire un verre avec le fric?» Au cœur du Palais fédéral, un groupe d’élus de droite se marre. Il offre un coup de blanc à deux socialistes qui passent par là. Ces derniers acceptent volontiers, oscillant entre rire gêné et embarras perceptible. Trois jours plus tôt, leur chef de groupe Roger Nordmann lançait dans La Liberté qu’avec l’«alliance du fric et du fumier, le Conseil des Etats pourrait devenir très réactionnaire». Une petite phrase qui a fait l’effet d’une bombe.
La référence: l’entente entre les milieux paysans (le «fumier») et patronaux (le «fric») pour les élections fédérales de l’automne prochain et pour les votations, annoncée l’hiver dernier sous la bannière de Perspective suisse. Le conseiller national vaudois réagissait surtout à l’effilochement des sièges socialistes au Conseil des Etats après la victoire à Saint-Gall de l’UDC Esther Friedli, au détriment de la conseillère nationale socialiste Barbara Gysi, analysé mardi dans nos colonnes.
La tempête UDC
«Si ma formule a heurté, je le regrette»
Roger Nordmann
Depuis lors, c’est le déluge. Essentiellement à l’UDC: sur les réseaux sociaux, sur les blogs des médias, dans les courriers de lecteurs… «Propos scandaleux», «mépris de la gauche pour les gens de la terre», «minable». «La gauche caviar peut bien réduire le monde agricole au fumier, il n’en demeure pas moins qu’elle est heureuse d’avoir de quoi remplir son assiette», tacle dans son blog du Temps Yohan Ziehli, vice-président de l’UDC Vaud.
L’«affaire» est remontée jusqu’à l’UDC Suisse: «Mieux vaut militer avec de l’argent durement gagné et du fumier sur les bottes qu’avec l’argent des autres et le copinage», communique-t-elle. Conseiller national, Jacques Nicolet suggère des excuses. Voilà pour le «fumier».
«La législature de trop»
Du côté du «fric», on n’est pas tendre non plus. «Venant d’une personne dont le couple gagne environ 450’000 francs par an, la remarque apparaît particulièrement déplacée», taquine le PLR genevois Christian Lüscher. Lui aussi pique fort: «Pour le surplus, les socialistes ont bien raison de fixer des règles visant à limiter le nombre de mandats et l’exception accordée à Roger Nordmann a visiblement pour effet de lui permettre de faire la législature de trop.»