Eloge de la baguette parisienne

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En ces premiers jours de décembre, un événement considérable vient d’avoir lieu, et nous devrions vraiment le crier sur les toits, et nous poster en face de ceux qui déjà font la fine bouche: la baguette française – inutile de la chercher en Suisse – «la baguette française» fait désormais partie du patrimoine immatériel de l’Unesco!

Impossible de glisser rapidement sous le tapis une si grande affaire, songez-y, convoquer une instance supranationale, le jugement d’une institution prestigieuse, quelque chose qui va représenter une reconnaissance universelle, quelque chose entre ce qui est réservé à la fondue moitié-moitié, sous hangar fribourgeois, au vin de champagne, élevé en Champagne, voire aux paysages «ramuziens» de Lavaux.

La baguette en question, parlons-en, élevée au statut de patrimoine immatériel, j’insiste, n’allons pas trop vite croquer dedans, celle qui, le matin, après le sommeil qui vous laisserait légèrement comateux, et dans tous les petits, moyens ou grands hôtels de la capitale, craque et lance de brèves étincelles de croûte sur la nappe mais qui hélas, le soir venu, semble s’être rendue sans combattre, n’étant plus guère qu’une sorte de bâton mou, une éponge, possiblement, un discret torchon, assez commode en fait quand on veut, d’un geste circulaire, et lent, soigneux, essuyer le fond de son assiette, pour ne rien laisser perdre de l’excellente sauce – au coq au vin, là, sur la table, devant soi.

O baguette sublime, digne des plus purs élans, reçois donc, pour notre plus grand bonheur, cette marque insigne de ta souveraineté parmi les miches, innombrables, de la planète.

Pierre Voélin, Fribourg