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Fin du contrôle des armements nucléaires?

Fin du contrôle des armements nucléaires?
Fin du contrôle des armements nucléaires?


Paul Grossrieder

Publié le 15.11.2019

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Opinion » Durant la guerre froide (1945-1989), les grandes puissances de l’époque ont déployé des efforts pour établir un système de limitation et de réduction de l’armement nucléaire. Les bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki (1945) et leurs conséquences terribles pour les populations étaient encore dans toutes les mémoires et les dirigeants politiques des USA et de l’URSS voulaient éviter que ne se répète une telle folie.

En 1987, à la suite d’autres accords, Reagan et Gorbatchev signaient le traité le plus significatif et le plus contraignant en la matière – le traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI) – dont le texte prévoyait l’interdiction pure et simple de certaines catégories d’armes, celles des missiles sol-sol conventionnels ou nucléaires d’une portée comprise entre 500 et 5500 km. L’interdiction se doublait d’une obligation de destruction des arsenaux existants par chacun des deux Etats parties. Ce traité réduisait donc les menaces qui planaient alors sur le continent européen.

En octobre 2018, Trump a annoncé le retrait des USA de cet accord. Certes, comme l’a noté l’Administration américaine, la Russie l’a violé en développant son missile SSC-8, dont la portée atteindrait un niveau prohibé. La décision de Washington n’en reste pas moins problématique, car elle enclenche une spirale négative pour la stabilité de la planète.

Première conséquence, Poutine lui a immédiatement emboîté le pas en dénonçant à son tour le traité sur les FNI et en annonçant la production de nouveaux missiles nucléaires.

Deuxième conséquence: la méfiance entre Washington et Moscou présage mal du renouvellement du traité «new Start» (Strategic armement reduction talks) qui arrive à terme en 2021. S’il n’est pas renouvelé, ce serait le dernier rempart contre le développement des armes nucléaires qui tomberait. Troisième conséquence: le message ainsi passé par les deux parties encouragera Pékin à accélérer son programme d’armement nucléaire. De plus, l’idée d’un nouvel accord sur le nucléaire avec l’Iran passe définitivement à la trappe. Et ne parlons pas de la Corée du Nord.

Ainsi, c’est toute l’architecture de maîtrise des armements nucléaires qui s’effondrerait. Certes, il reste le traité de non-prolifération nucléaire de 1968. Mais seuls quelques Etats y sont parties, et l’Inde, le Pakistan et Israël, qui tous possèdent l’arme nucléaire, n’y ont pas adhéré. La Corée du Nord s’en est retirée en 2003. Ajoutons qu’en 2017, l’ONU a soumis à ses membres un Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, adopté par une grande majorité des Etats, mais pas par les puissances nucléaires, ni d’ailleurs par la Suisse qui, ce faisant, passe un très mauvais message au monde.

Avec la dénonciation de l’accord sur les FNI et la fin possible du «new Start» le monde entre dans une ère de tensions jamais connue depuis la guerre froide. La rupture de dialogue sur l’utilisation des armes nucléaires dans un contexte géopolitique instable est une prise de risque majeure.

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