La Liberté

Le paradoxe de Salomon

Le paradoxe de Salomon
Le paradoxe de Salomon


Yves- Alexandre Thalmann

Publié le 15.06.2021

Temps de lecture estimé : 2 minutes

Opinion

Qui ne connaît pas la figure biblique du roi Salomon? Cet homme était réputé pour sa sagesse légendaire et l’on venait de loin à la ronde pour obtenir ses conseils avisés. Il est surtout célèbre pour son jugement audacieux dans une histoire en apparence inextricable: deux femmes qui venaient d’enfanter, mais dont l’un des nouveau-nés était mort, se disputaient la maternité du bébé survivant. Le roi ordonna qu’on coupe l’enfant en deux parties à distribuer à chacune des deux plaignantes pour régler le litige. La vraie mère, on s’en doute, préféra renoncer plutôt que de voir tuer ainsi son bébé… ce qui permit de l’identifier.

L’histoire de Salomon ne s’arrête pourtant pas là et la suite est tout aussi digne d’intérêt. Selon la Bible, ce roi si avisé ne prit pas moins de 700 épouses et 300 concubines. Une décision bien loin de la sagesse, quand on sait comme il est déjà délicat de s’entendre avec un seul et unique conjoint… Le monarque se laissa influencer par les dames de son harem et, de concessions en concessions, laissa se développer les religions païennes sur son territoire. Une trahison que Dieu ne put tolérer et qui entraîna la chute du royaume d’Israël et sa partition ultérieure (les révoltes dues aux lourds impôts qui grevaient les habitants y sont sans doute pour beaucoup dans la triste fin du roi Salomon).

Qu’est-ce à dire? Le roi Salomon incarne un personnage à la sagesse légendaire quand il s’agissait de la dispenser à d’autres, mais en peine quand il était question de l’appliquer à lui-même. A tel point que certains ont baptisé ce phénomène le paradoxe de Salomon: il est facile de donner des conseils avisés à autrui alors que l’on ne les suit pas soi-même. Pensons à ces médecins fumeurs, sédentaires à l’excès ou en permanence submergés par le stress, des comportements délétères qu’ils enjoignent pourtant à leurs patients d’éviter.

Mais inutile d’aller chercher trop loin: la plupart d’entre nous incarnons bien le paradoxe de Salomon. Nous sommes généralement de bons conseils pour nos amis et nos proches, un peu moins quand il s’agit de prendre des décisions qui nous concernent en personne. Sont-ce les émotions qui troublent nos réflexions? Le manque de recul? La conviction d’être différents des autres, uniques, au-delà des règles qui s’appliquent à toutes et tous?

Comme tout paradoxe, celui de Salomon peut être résolu si on l’aborde sous le bon angle. Sa solution n’est somme toute pas si compliquée: quand il s’agit de prendre des décisions importantes nous concernant, n’hésitons pas à solliciter l’avis éclairé des autres… et à nous y tenir. Ou alors, on peut se demander quel conseil on donnerait à un ami vivant une situation analogue à la nôtre… et à l’appliquer à nous-même sans atermoiements. Ce sera sans doute plus sage et nous évitera le sort funeste du monarque déchu de l’Antiquité.

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