La Liberté

Quand la démocratie vacille

Jacques de Coulon
Jacques de Coulon


Jacques de Coulon

Publié le 13.11.2018

Temps de lecture estimé : 2 minutes

En 1983, Jean-François Revel publiait son célèbre essai Comment les démocraties finissent. Il s’inquiétait de la passivité de l’Occident face au péril communiste de gauche. Six ans plus tard, le mastodonte rouge aux pieds d’argile s’écroulait avec le Mur de Berlin. Aujourd’hui, c’est la droitisation parfois extrême du monde qui menace nos démocraties.

On s’étonne de la percée des ultraconservateurs aux Etats-Unis, au Brésil ou en Europe. Or ce mouvement s’inscrit dans une logique implacable: la réaction des peuples contre les excès de la mondialisation et de l’immigration, mais aussi contre le bouleversement des mœurs accompagné du renversement des valeurs traditionnelles comme la famille ou le mariage. Ce dernier point est probablement sous-estimé. Une large frange de la population, souvent éloignée des grandes villes, s’inquiète des dérives libertaires. Pour ces gens-là, la liberté individuelle est devenue folle au point de s’opposer à la nature en transgressant ses lois.

Qu’on lutte pour l’égalité entre homme et femme est une noble cause. Mais faut-il préconiser le libre choix du masculin et du féminin jusqu’à favoriser les transgenres? Que l’homosexualité soit reconnue et que les personnes du même sexe puissent s’associer en PACS apparaît comme un progrès. Mais les homosexuels doivent-ils aussi avoir accès au mariage, une institution d’origine religieuse basée sur l’hétérosexualité? Que les couples sans enfant puissent devenir parents grâce à la procréation médicalement assistée (PMA), pourquoi pas? Mais est-il souhaitable de favoriser la gestation pour autrui (GPA) où le corps d’une femme, devenu marchandise, s’achète?

«Jusqu’où ira-t-on?» s’inquiète une population angoissée. Par un retour de balancier, certains se tournent vers les formes les plus archaïques de la religion et votent pour des ultraconservateurs afin de préserver leur identité. Les outrances de la liberté d’un individu se croyant au-dessus des contraintes de la nature et se prenant pour le démiurge provoquent le réveil de deux démons antagonistes: le fondamentalisme chrétien et l’islamisme radical critiquant la décadence occidentale. Trump aux USA et Bolsonaro au Brésil n’ont-ils pas été élus grâce au soutien de l’armée «morale» des évangélistes? Oui, Marx avait raison: la religion peut devenir l’opium du peuple.

L’hubris libertaire risque de virer en autoritarisme liberticide par les réactions démesurées qu’elle suscite. L’ultralibéralisme sur les plans économique et sociétal n’appelle-t-il pas inexorablement son frère ennemi, l’ultraconservatisme? La lumière artificielle du progressisme sans freins risque bien de s’éteindre dans l’obscurantisme d’antan. Qui nous délivrera de ce cercle infernal entre les extrêmes? La démocratie n’aura-t-elle été qu’une brève parenthèse de clarté au cours de l’histoire? Nous espérons que non, mais la culture démocratique ne survivra qu’à la condition de respecter le besoin de repères des peuples.

Opinion

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