La Liberté

Donald Trump: la vérité si je mens!

Le président américain n’en est pas à un mensonge près. Pour preuve, la manière dont il a fait fortune

Kessava Packiry, New York

Publié le 19.10.2018

Temps de lecture estimé : 9 minutes

Etats-Unis » En révélant la manière dont Donald Trump a fait fortune, le New York Times (NYT), au cours d’une enquête publiée début octobre, a mis une fois de plus en lumière la propension du président des Etats-Unis à mentir effrontément. Tout au long de sa campagne présidentielle, l’homme fort de la Maison-Blanche s’est targué de s’être fait tout seul, en empruntant «juste» un petit million à son père. Or Trump a bénéficié des largesses de ses parents (plus de 400 millions de dollars en valeur actuelle, soit 397 millions de francs suisses, versés progressivement depuis l’âge de ses trois ans) et des manœuvres alambiquées, parfois frauduleuses selon le NYT, pour qu’une grosse partie de son argent échappe au fisc.

Comme le résume David Barstow, l’un des enquêteurs du NYT: «Il y a beaucoup d’argent qui circule, non seulement quand il était jeune, mais tout au long de sa vie, surtout quand il était en difficulté financière. Et ce fleuve d’argent était alimenté, en partie, par l’évasion fiscale.»

Interrogé par le site d’information Democracy Now, David Barstow tire cette conclusion: «Le récit que Donald Trump a vendu au public depuis de nombreuses décennies, ce qui l’a rendu célèbre, qui lui a donné le pouvoir politique et qui, en fin de compte, a été le point central de sa campagne présidentielle, est un récit selon lequel il est un milliardaire autodidacte. Or cela ne correspond tout simplement pas aux faits.»

«Tout politicien ment»

En ce sens, Trump a clairement induit son électorat en erreur, estime Victor Pickard, professeur associé à l’Annenberg School for communication, de l’Université de Pennsylvanie. «Sur cette question et sur bien d’autres…», ajoute-t-il. Car le président n’en est pas à un mensonge près. Début janvier, le Washington Post avait recensé plus de 2000 mensonges en une année de présidence, sur des thèmes aussi divers que l’immigration, l’économie, la fiscalité, le terrorisme, l’Obamacare…

Expert en discours politique et professeur adjoint de communication publique à l’American University de Washington DC, Bob Lehrman raconte: «J’ai vu l’autre jour un dessin qui résumait les choses. Il montrait Trump regardant un enfant. La légende disait quelque chose comme «Hé, petit! Quand j’avais ton âge, je gagnais 200 000 $ par an.» J’hésite à qualifier de mensonges la plupart de ses affirmations, car je ne suis pas dans son cerveau. Est-ce de la tromperie ou de l’auto-illusion? Je dirais les deux.»

Auteur de discours pour des dizaines de personnalités politiques démocrates, dont l’ancien vice-président Al Gore, Bob Lehrman souligne: «J’ai travaillé en politique pendant quarante ans. Tout politicien ment à un moment donné. Mais jamais je n’ai vu autant de déclarations relevant de la tromperie consciente», dit-il au sujet du président. Pour Victor Pickard, c’est simple: par rapport à ses prédécesseurs, «Trump a porté le mensonge à un tout autre niveau.»

Le milliardaire ne reconnaît jamais une erreur, ne s’excuse jamais, nie souvent avoir déclaré certaines choses: «C’est son astuce», ajoute Bob Lehrman. «L’exemple le plus récent est sa promesse de donner un million de dollars à Elizabeth Warren si elle faisait un test ADN pour voir si elle avait du sang amérindien.» Cette sénatrice démocrate, possible candidate à la présidentielle de 2020, est accusée par Trump, qui la qualifie de fausse «Pocahontas», de se proclamer issue d’une minorité. Elle l’a pris au mot et vient de prouver ses lointaines origines amérindiennes. Mais elle pourra attendre longtemps le million promis. «Malgré les enregistrements de sa déclaration dans les médias, Trump nie.»

Epargné jusqu’ici

Le 45e président des Etats-Unis, 72 ans, n’est pas honteux des énormités qu’il professe, avec cet aplomb qui le rend si convaincant. Mieux: le mensonge, chose que l’on n’enseigne pas en communication politique, n’a pas desservi Donald Trump à ce jour. «Il est vrai que, jusqu’à présent, il ne semble pas avoir payé politiquement pour ses mensonges sans fin», reconnaît Victor Pickard. Reste que la sanction pourrait tomber prochainement, avec les élections de mi-mandat (ou midterms), où le peuple américain renouvelle les 435 membres de la Chambre des représentants (en majorité républicaine) ainsi qu’un tiers des 100 sièges du Sénat (actuellement tenu par une faible majorité républicaine avec 51 sénateurs contre 49).

«Cette manière de déformer la vérité aura-t-elle un impact sur les midterms et son électorat? Probablement, mais impossible de savoir avec certitude à quel point l’effet sera important», analyse Victor Pickard. «Mais une chose est sûre: des dizaines de millions d’Américains ne lui font plus confiance.» Pour Bob Lehrman, le mensonge a peut-être aidé Donald Trump à gagner l’élection de novembre 2016. «Mais à mi-parcours, il a perdu le soutien des femmes et des indécis. De plus en plus de gens pensent qu’il est incapable de dire la vérité», relève-t-il également.

Radio: Ve 13 h 30

TV: Battre la campagneDi 22 h 10 Lu 23 h 25

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«J’ai obtenu un très, très petit prêt»

Lors de sa campagne, Trump s’est fait passer pour un self-made-man. Mais il ne s’est pas fait tout seul.

«Cela n’a pas été facile pour moi. J’ai commencé à Brooklyn. Mon père m’a accordé un petit prêt d’un million de dollars. Je suis venu à Manhattan. Et j’ai dû le rembourser, avec les intérêts. Il disait: «Donald, ne va pas à Manhattan. C’est la cour des grands. Nous ne savons rien à ce sujet. Ne le fais pas.» J’ai dit: «Papa, je dois aller à Manhattan. Je dois construire ces grands bâtiments.»… J’ai construit ce que j’ai construit moi-même, et je l’ai fait en travaillant de longues heures, en travaillant dur et intelligemment. Le plus important, c’est d’utiliser mon propre cerveau… J’ai obtenu un très, très petit prêt de mon père, il y a de nombreuses années. J’ai fait de ça un empire massif.»

Cet extrait d’un discours de Donald Trump durant sa campagne présidentielle ne reflète pas la réalité dépeinte par l’enquête fouillée du New York Times, qui rappelle que grâce aux sociétés immobilières de son père, Donald Trump gagnait 200 000 dollars par an lorsqu’il était enfant, un million lorsqu’il était à l’université, 5 millions lorsqu’il avait 40 ans.

Selon David Barstow, cette enquête, qui s’appuie sur plusieurs milliers de documents fiscaux, relève aussi un point important, déclare-t-il au site d’informations Democracy Now: «Non seulement Trump a reçu 413 millions de son père, non seulement il a reçu 140 millions de plus en prêts de son père, mais ce montant a été considérablement augmenté par une série de stratagèmes fiscaux. Selon les fiscalistes que nous avons consultés, ces mesures vont bien au-delà des stratégies normales d’optimisation fiscale que les gens riches et avisés utilisent pour réduire leur facture. Il s’agissait d’un ensemble de manœuvres qui étaient destinées à tromper l’IRS (le fisc américain, ndlr).»

La Ville et l’Etat de New York, alertés par l’enquête du New York Times, ont décidé de mener leurs propres investigations pour tenter de récupérer les 500 millions de dollars qui leur auraient ainsi échappé. De quoi inquiéter Trump? Pour le professeur Victor Pickard, la réponse est claire: «Si les démocrates reprennent le Congrès, dans quelques semaines, oui, c’est bien possible.» KP

 

Repères

Fortune de Donald Trump

En 2018, la fortune de Trump est de 3,1 milliards de dollars, selon le magazine Forbes.

Actif en grande partie dans l’immobilier.

Son empire est actuellement géré par ses deux plus grands fils, Don Jr et Eric.

 

Président milliardaire

Trump est le 1er président milliardaire des Etats-Unis.

Huitième rang des chefs d’Etat les plus riches au monde.

En tête de ce classement: le roi Rama X de Thaïlande (fortune estimée de 26 milliards de dollars).

Vladimir Poutine, le président russe, les dépasserait tous largement si l’on en croit certaines sources: plus de 200 milliards de fortune! Mais cette information n’a jamais été confirmée. KP

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Battre la campagne

Le 8 novembre 2016, Donald Trump remporte la présidentielle face à une Hillary Clinton donnée gagnante par les médias américains. L’histoire aurait pu être différente, estiment les supporters du Sénateur démocrate Bernie Sanders. Son programme social aurait-il pu faire la différence s’il n’avait pas négocié son retrait de la primaire au profit de la candidate de l’establishment?


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