La Liberté

L’Afrique, un eldorado pour la Chine

Inscrite sur les nouvelles routes de la soie, l’Afrique bénéficie d’importants investissements chinois

Inauguré en mai 2017, le port polyvalent de Doraleh, à Djibouti, est équipé pour le transfert de conteneurs et de marchandises en vrac. D’un coût de 590 millions de dollars, il a été financé conjointement par le Gouvernement de Djibouti et une société d’Etat chinoise. © DR
Inauguré en mai 2017, le port polyvalent de Doraleh, à Djibouti, est équipé pour le transfert de conteneurs et de marchandises en vrac. D’un coût de 590 millions de dollars, il a été financé conjointement par le Gouvernement de Djibouti et une société d’Etat chinoise. © DR
L’Afrique, un eldorado pour la Chine
L’Afrique, un eldorado pour la Chine

Pascal Fleury

Publié le 21.09.2018

Temps de lecture estimé : 7 minutes

Géopolitique » La Chine les nomme «La ceinture et la route». Les nouvelles routes de la soie dévoilées à l’automne 2013 par Pékin ne se contentent plus de relier l’Empire du Milieu à l’Europe, comme l’ancienne Route de la soie rendue célèbre par Marco Polo au XIIIe siècle. Elles mènent désormais jusqu’au cœur de l’Afrique et au Maghreb.

L’initiative «La ceinture et la route» est «une voie pour la paix», selon le président chinois Xi Jinping. Elle veut favoriser «un nouveau type de relations internationales caractérisées par une coopération gagnant-gagnant» et créer «un environnement de sécurité construit et partagé par tous».

Continent prioritaire

Le rapprochement sino-africain n’est évidemment pas désintéressé. «L’Afrique est un continent prioritaire pour Pékin. L’initiative des nouvelles routes de la soie va favoriser davantage les liaisons de transport de personnes et de marchandises. Cela va faciliter l’importation de matières premières africaines en Chine, l’exportation des produits manufacturés chinois vers l’Afrique et le développement de régions africaines», explique le spécialiste de la Chine Pierre Picquart, dans un récent ouvrage sur La renaissance de la Route de la soie1.

Aujourd’hui, l’Afrique représente 15% des investissements de la Chine sur la planète. Plus de 10 000 entreprises chinoises sont installées sur le continent noir. En une quinzaine d’années, le commerce bilatéral sino-africain a été multiplié par six, passant le cap des 300 milliards de dollars en 2015. Au début septembre à Pékin, lors du 7e sommet du Forum sur la coopération sino-africaine, le président chinois a fait un nouveau geste: il a promis à ces partenaires africains une rallonge de l’aide au développement de 60 milliards de dollars.

La plupart des pays africains, du Maroc à l’Afrique du Sud, ont déjà saisi l’opportunité chinoise pour améliorer leurs infrastructures (transports, télécoms, énergies, éducation…), mettre en valeur leurs richesses agricoles et minières ou encore dynamiser leur commerce.

Au Kenya, par exemple, a été convenue la construction de routes, de ports et d’un chemin de fer reliant la ville portuaire de Mombasa à Nairobi. La ligne a été construite par la China Road and Bridge Corporation, avec 25 000 ouvriers kényans. Financée à 90% par des prêts de la China Eximbank, pour un coût total de 3,6 milliards de dollars, elle a été ouverte en juin 2017.

En Ethiopie, une ligne ferroviaire électrifiée de 756 km relie depuis janvier la capitale Addis-Abeba au port de Djibouti, après juste quatre ans de travaux menés à train d’enfer par deux entreprises chinoises. Son coût s’élève à 3,5 milliards de dollars, dont 70% de fonds chinois.

En juin dernier, c’est le Mozambique qui a obtenu 100 millions de dollars de subventions pour le financement de divers projets, dont un aéroport international et un institut technique. Les contrats ne cessent en fait de se multiplier. Selon les médias, l’Egypte vient de profiter du récent Forum sur la coopération sino-africaine à Pékin pour conclure de nouveaux accords de coopération économique pour une valeur de 18 milliards de dollars. En mars, l’Egypte avait déjà inauguré, avec le chinois Hengtong Group, une usine automatisée de fibre optique destinée au marché indigène comme africain. La Chine est aussi impliquée dans la construction de la nouvelle capitale administrative égyptienne (lire ci-dessous), un projet cher au président al-Sissi. L’homme fort d’Egypte s’est rendu cinq fois en Chine depuis son accession au pouvoir.


 

Puissance maritime

La Chine investit aussi massivement dans la construction portuaire sur la côte est de l’Afrique. «Elle a compris l’importance des mers pour redevenir une puissance maritime de premier ordre via ses grands ports», analyse Pierre Picquart.

L’une de ses principales portes d’entrée africaines est la République de Djibouti, sur la Corne de l’Afrique. La Chine y a inauguré en mai 2017, sur 690 hectares, le port polyvalent de Doraleh (DMP), doté des infrastructures les plus modernes d’Afrique. Dédié à la fois aux conteneurs maritimes et aux marchandises en vrac, ce mégaprojet a coûté 590 millions de dollars américains. Il a été financé conjointement par le Gouvernement de Djibouti et une société d’Etat chinoise, la China Merchant Holding.

En août dernier, toujours à Djibouti, la Chine a ouvert sa première base militaire à l’étranger. Le contrôle des voies maritimes de la région est très important pour la Chine, qui importe 43% de son pétrole et 38% de son gaz naturel liquéfié de la péninsule Arabique.

Ce «néocolonialisme» chinois n’est toutefois pas sans risques, les Etats africains s’endettant considérablement pour améliorer leur sort. Mais l’aide chinoise est bien trop séduisante pour s’en priver! D’autant qu’elle est fournie sans conditions sur la gouvernance étatique, la démocratie ou le respect des droits humains. La seule exigence chinoise, c’est de renoncer à reconnaître Taïwan!

1Pierre Picquart, La renaissance de la Route de la soie – L’incroyable défi chinois du XXIe siècle, Ed. Favre, 2018.


 

La future capitale de l’Egypte se bâtit avec des fonds chinois

La nouvelle capitale égyptienne, que le président al-Sissi construit en plein désert, bénéficie d’un important soutien chinois.

Porte d’entrée vers l’Afrique, l’Egypte intéresse hautement la Chine en raison de son marché prometteur et de sa position géostratégique sur le canal de Suez. L’un des exemples les plus symboliques de cette coopération est le soutien financier chinois au projet de nouvelle capitale administrative de l’Egypte. Lancé en mars 2015 par le président Abdel Fattah al-Sissi, ce projet pharaonique est en construction en plein désert, à 45 km à l’est du Caire, près du canal de Suez. Des milliers d’ouvriers travaillent à un rythme soutenu pour réussir à terminer, d’ici à 2021, le cœur de cette cité du futur, avec palais présidentiel, parlement, ministères, tours, 25 000 logements, 950 villas, des écoles et d’autres infrastructures. D’ici vingt ans, cette «ville pour riches», selon ses détracteurs qui la surnomment «Sissi-City», prévoit d’accueillir 6,5 millions d’habitants sur 700 km2. Le projet est financé par les Ministères de la défense et du logement, ainsi que par des fonds du Golfe et de Chine. La China State Construction Engineering Corporation a signé en 2017 un contrat pour 3 milliards de dollars pour un grand centre d’affaires. Selon la presse, la Chine pourrait s’engager jusqu’à un tiers du financement global du projet, estimé à 45 milliards d’euros lors de sa présentation en 2015. PFY


 

Al-Sissi, notre homme du Caire

Depuis le coup d'État du maréchal al-Sissi en 2013, les arrestations arbitraires, la torture et les disparitions forcées ont atteint un niveau sans précédent en Égypte. Ce film explore les intérêts stratégiques et économiques qui poussent l'UE et les États-Unis à fermer les yeux sur les violations des droits de l'homme et à considérer al-Sissi comme un partenaire indispensable. Durée: 52'

 

 


 

Radio: Ve: 13h30

TV: Al-Sissi, notre homme du Caire Di: 21h20 Lu: 23h10


Histoire vivante

La Liberté - Bd de Pérolles 42 / 1700 Fribourg
Tél: +41 26 426 44 11