La Liberté

Ici, c’est le parlement qui commande

Serge Gumy
, Rédacteur
en chef

Publié le 24.06.2017

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Opinion » La preuve en a été faite jeudi, et plutôt deux fois qu’une: désormais, dans le canton de Fribourg, c’est bien le parlement qui dicte la mesure, et le Conseil d’Etat qui aligne sa foulée. En une même matinée de session, les députés ont d’abord opté pour une ouverture des magasins jusqu’à 17 heures le samedi, sur proposition de deux des leurs. Ils ont ensuite sommé le gouvernement de réviser au plus vite la loi sur les préfets. Ils sont, il est vrai, à bout de patience: dix ans qu’ils attendent que l’exécutif leur soumette un projet!

Ces deux nouveaux actes d’autorité du Grand Conseil s’ajoutent à d’autres cas d’école récents, je dirais même plus, intéressants. Si le canton a mis de côté 100 millions de francs dans le but d’acheter des terrains pour y favoriser l’implantation d’entreprises, le mérite en revient au parlement. Le personnel de l’Hôpital fribourgeois (HFR) doit-il être sorti de la Loi sur le personnel de l’Etat? Le débat à couteaux tirés qui s’annonce, là aussi, aura lieu à l’initiative de députés. Et là aussi, le Conseil d’Etat regarde passer les balles, relégué au rang de simple spectateur.

Mais que font nos ministres? Plus trop de politique, semble-t-il. Le constat n’est cependant pas neuf. «Gouverner, c’est gérer», titrait ainsi La Liberté à l’heure du bilan de la précédente législature. Six mois après son entrée en fonction, l’équipe remaniée issue des élections cantonales de novembre s’inscrit dans cette même ligne très plate. A sa décharge, elle n’a pas encore dévoilé son programme de législature ni son plan financier – ce sera chose faite à la rentrée. Or, c’est à l’aune des priorités qui y seront exprimées que l’on pourra porter un premier jugement sérieux.

En outre, le précédent Conseil d’Etat s’est vu paralysé par le corset des programmes d’économie successifs et par la tutelle écrasante de Georges Godel. Sans réel contrepoids au sein du collège, le grand argentier PDC a fait régner sa loi, qui est celle des chiffres. Pour le contrer, ses collègues auraient dû se coaliser, convenir de renvois d’ascenseur. Bref, faire de la politique. Pas sûr qu’ils goûtent l’exercice, trop occupés qu’ils sont à gérer leur direction en administrateurs et à éviter surtout que leurs homologues viennent mettre leur nez dans leurs affaires.

Cet exercice parcellisé du pouvoir trahit visiblement une crainte du débat interne. Ces dernières années, le gouvernement a ainsi donné l’impression d’abandonner nombre de sujets qui fâchent au parlement. Comme s’il redoutait que les divergences d’opinion ne conduisent à une altération de l’ambiance en son sein. Or, à cacher les problèmes sous le tapis, les meilleures familles courent le risque de déballages explosifs façon Festen, le film de Thomas Vinterberg.

La crise liée à la Préfecture de la Sarine constitue à cet égard un avertissement sans frais dans le genre vaudeville. Puisse la prochaine ne pas virer au drame. Par chance, l’annonce faite hier par le Conseil d’Etat qu’il renonçait à acheter les locaux de Schumacher SA (lire en page 9) prouve qu’il sait encore décider en patron. Tout espoir n’est donc pas perdu.

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