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Ces syndics mal-aimés

Les urnes ont sanctionné les syndics de manière inhabituelle. Eclairage sur ce phénomène

Dans le district de la Veveyse, Damien Colliard, syndic du chef-lieu, n’a pas été réélu. © Alain Wicht
Dans le district de la Veveyse, Damien Colliard, syndic du chef-lieu, n’a pas été réélu. © Alain Wicht

Stéphanie Buchs

Publié le 09.03.2021

Temps de lecture estimé : 6 minutes

Elections » Les urnes n’ont pas été tendres avec les syndics fribourgeois lors des dernières élections. Certains sont les moins bien élus de leur exécutif et d’autres ont carrément mordu la poussière en passant à la trappe. Si aucun chiffre précis n’est pour l’instant disponible, l’ampleur du phénomène semble toutefois nouvelle.

Constat que confirme Gérald Mutrux, chef du Service des communes: «Nous ne disposons pas encore des statistiques, mais j’ai aussi constaté cette tendance. Je pense que c’est un phénomène nouveau. Je n’ai pas souvenir que les syndics aient été maltraités dans les urnes dans une ampleur comparable.»

Une trentaine de syndics

Selon nos premiers pointages, près d’une trentaine de syndics sont concernés par ce phénomène; soit ils ressortent mal élus, arrivant en queue de peloton de leurs exécutifs respectifs, soit ils ne parviennent pas à obtenir un siège. L’exemple le plus marquant se trouve dans une capitale de district: Damien Colliard, syndic de Châtel-Saint-Denis n’a pas été réélu.

Au-delà des histoires propres à chaque commune où certains dossiers peuvent mettre les autorités dans des situations délicates, comment expliquer ce phénomène de manière plus générale? Gérald Mutrux donne quelques pistes. «La fonction de syndic a toujours été la plus exposée au sein d’un exécutif. Quand il y a des problèmes dans une commune, c’est souvent lui qui monte au front et c’est souvent lui qui devient le réceptacle de l’animosité quand il y en a.» Il estime par ailleurs que la fonction de syndic a perdu de son aura: «Il est loin le temps où le curé, le syndic et l’instituteur étaient des notables respectés.»

«Les citoyens sont devenus plus critiques, c’est positif, mais en même temps on tend aussi vers une société plus individualiste», relève Gérald Mutrux. Ce qui complique la tâche. Un syndic doit trouver un équilibre entre la réponse qu’il doit amener au problème rencontré par un citoyen et le bien commun qu’il doit défendre.

L’art de communiquer

Il met aussi le doigt sur un problème de communication qui se présente dans certaines communes: oser affronter une assemblée communale, savoir présenter les décisions avec ouverture et ne pas prendre pour soi les critiques sont des compétences et des traits de caractère essentiels. «La fonction de syndic n’est vraiment pas facile. Si vous êtes susceptible, par exemple, ce sera plus difficile.» Toujours dans le domaine de la communication, le syndic doit être capable d’expliquer les décisions, de les vulgariser: «Les citoyens ont besoin de comprendre les décisions pour les accepter.»

Je n’ai pas souvenir que les syndics aient été maltraités dans les urnes dans une ampleur comparable.»
Gérald Mutrux


Jean-Pierre Helbling, syndic de Marly durant les quinze dernières années et président de la Conférence des syndics des chefs-lieux et des grandes communes du canton, insiste sur l’importance de la communication. «Depuis que la syndicature a été professionnalisée à mi-temps, ça m’a donné du temps pour écouter les gens et expliquer les décisions», relève celui qui ne s’est pas représenté pour la prochaine législature. «J’ai toujours accepté dans mon bureau les citoyens qui ont besoin de me parler. Certaines personnes sont arrivées dans mon bureau comme des furies, et sont reparties apaisées après une discussion. Les citoyens ont besoin de comprendre les décisions qui les concernent.»

Et même s’il rappelle qu’il n’est pas toujours possible d’accéder favorablement à une demande, Jean-Pierre Helbling affirme: «Quand on prend le temps d’expliquer que les décisions des élus doivent tenir compte d’un cadre légal précis, les tensions retombent.» Selon lui, les élus ne doivent pas oublier qu’ils sont au service de la population. Il convient toutefois qu’il faut «avoir les épaules larges pour cette fonction».

Citoyen consommateur

Président de l’Association des communes fribourgeoises et syndic du Châtelard, David Fattebert confirme: «L’une des tâches les plus importantes d’un syndic est d’écouter, surtout dans les petites communes.» Il estime que la fonction de syndic a toujours été exposée. Selon lui, ce qui change c’est le besoin de transparence de la part du citoyen. «On leur doit des explications, et je trouve cela bien.»

L’élu constate toutefois des attentes accrues de la part des citoyens. Et de souligner une évolution de la société: «Le citoyen se positionne en consommateur. Il revendique son droit à des services parce qu’il paie des impôts.» Il note aussi une grande quantité de recours contre les décisions prises. Et de rappeler que c’est le syndic qui signe, au nom du Conseil, tous les courriers adressés aux citoyens dans les procédures. «Nous sommes souvent les porteurs de mauvaises nouvelles.»

Tous les résultats en un clin d’œil

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Le syndic est toujours au front

Albert Bachmann, ancien syndic d’Estavayer-le-Lac qui a occupé la fonction durant 14 ans et ancien président de l’Association des communes fribourgeoises pendant huit ans, insiste: Pour lui, «le syndic est celui qui est toujours au front. Il porte publiquement les décisions du Conseil.»

Il concède toutefois que ce rôle est parfois difficile: «Le plus difficile c’est quand certains membres de l’exécutif se désolidarisent d’une décision, sans forcément rompre la collégialité en criant leur avis, mais juste en se retirant du débat. Je l’ai moi-même ressenti dans ma fonction.» Et d’ajouter: «Il faut rappeler que le syndic doit parfois porter des décisions avec lesquelles il n’était à la base pas forcément d’accord.» Autre élément souligné par Albert Bachmann: «Le citoyen d’aujourd’hui est toujours plus pointu sur les dossiers, ça alourdit la tâche. Et de son côté, le citoyen sous-estime tout le travail qu’il y a derrière une fonction de syndic.» Tout comme Gérald Mutrux, Albert Bachmann a constaté parfois un manque de communication lorsque des décisions délicates sont prises. SB

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