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La physique pour comprendre les mécanismes de désinformation

Des chercheurs fribourgeois ont appliqué les méthodes de la physique des systèmes complexes au problème de la désinformation à l’âge d’Internet.

La physique pour comprendre les mécanismes de désinformation © Alain Wicht-photo prétexte
La physique pour comprendre les mécanismes de désinformation © Alain Wicht-photo prétexte

ATS

Publié le 20.05.2021

Leur recherche montre comment des opinions erronées peuvent émerger naturellement, dans un système où les sources d’information sont très nombreuses.

"Tout est parti d’un cas personnel", a déclaré le docteur Matúš Medo, physicien et spécialiste des systèmes complexes à l’Université de Fribourg, cité dans un communiqué diffusé jeudi. "En lisant des informations sur la situation au Venezuela, je me suis demandé pour quel camp prendre parti, entre les manifestants et le gouvernement."

Comme pour la plupart des personnes, Matúš Medo n’a pas investi le temps nécessaire pour se mettre réellement au courant de l’historique et des détails de la situation. Il a formé son opinion en se basant sur celle d’autres acteurs, comme les Etats par exemple.

Le chercheur s’est ensuite demandé si cette manière de former une opinion était fiable. En tant que physicien, il a combiné simulations informatiques et calculs théoriques pour étudier cette question. Avec ses collègues, ils ont constaté que si cette méthode était relativement fiable lorsque le nombre de sujets sur lesquels on souhaitait se former une opinion était faible, elle devenait instable lorsque ce nombre augmentait.

Conclusions opposées

Dans un système complexe, où les sujets sont très nombreux, un même point de départ peut conduire à des conclusions diamétralement opposées. "Un citoyen honnête, qui essaie de se former une opinion, peut ainsi atteindre une conclusion erronée. Le pire est qu’ensuite il devient lui-même un vecteur de désinformation", peut-on lire dans le communiqué.

Les spécialistes ont beaucoup étudié la propagation des fausses informations dans des systèmes comme les réseaux sociaux, au sein desquels une source, souvent mal intentionnée, sème une fausse information qui se propage ensuite à la manière d’un virus. Mais l’étude de l’équipe de Matúš Medo identifie un effet susceptible d’affecter même un système dans lequel tous les participants sont de bonne foi et tentent honnêtement de se former une opinion.

Leur étude montre que, dès que le nombre d’opinions est assez élevé, la désinformation peut se former et se propager naturellement. Le système tend même à se "polariser" en deux groupes de sources d’information opposées qui ne se font plus mutuellement confiance.

Les résultats suggèrent "qu’à mesure que le monde devient plus complexe, nos mécanismes simples de formation d’opinions peuvent nous trahir et nous mener à des opinions erronées. Les modèles indiquent que cet effet peut être contré en investissant un effort pour augmenter le nombre d’opinions fiables", a ajouté le docteur. Son étude a été publiée récemment dans "Nature Communications Physics".

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