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Acquittement général après la débâcle d'une caisse de prévoyance

Selon le Tribunal, les prévenus ne pouvaient ni ne devaient supposer que le gestionnaire agissait de manière frauduleuse (photo symbolique). © Keystone/AP/THOMAS KIENZLE
Selon le Tribunal, les prévenus ne pouvaient ni ne devaient supposer que le gestionnaire agissait de manière frauduleuse (photo symbolique). © Keystone/AP/THOMAS KIENZLE


Publié le 20.03.2018


Après la débâcle d'une caisse de prévoyance fribourgeoise, soldée par un trou de plus de 57 millions de francs en 2014, la justice a jugé le premier volet de l'affaire. Elle acquitte les six prévenus accusés de manque de vigilance envers le gestionnaire externe.

Cette affaire n'aurait même pas dû être portée devant le Tribunal pénal économique, a commenté mardi le président de la Cour Alain Gautschi. L'Etat versera plus d'un million de francs d'indemnités au total aux prévenus pour les dépenses, le tort moral et les dommages économiques qu'ils ont subis à cause de cette procédure.

Les accusés étaient quatre membres de la commission de placement, parmi lesquels Albert Lambelet, ex-syndic de Corminboeuf et ex-député au Grand Conseil. S'y ajoutaient une experte en prévoyance et un contrôleur comptable. Leurs avocats plaidaient l'acquittement.

Le gestionnaire externe qui a dilapidé l'argent de la caisse est visé par une procédure séparée pour escroquerie, et il bénéficie pour l'instant de la présomption d'innocence. Reste qu'à l'époque des faits, les prévenus ne pouvaient ni ne devaient supposer qu'il agissait de manière frauduleuse, a dit le juge.

Pas responsables

Les membres du comité de placement n'avaient d'ailleurs aucune intention de nuire à la caisse mais espéraient au contraire la sauver. Du reste, le devoir de sélectionner et surveiller le gestionnaire relevait du conseil de fondation au final, selon le juge. Enfin, une grande partie des faits reprochés sont prescrits.

La procureure Alessia Chocomeli-Lisibach estimait que ces personnes avaient manqué de vigilance alors qu'elles devaient veiller aux intérêts de la caisse. Elles auraient dû effectuer des vérifications, d'autant qu'elles avaient reçu des questions et remarques critiques de certains membres du conseil de fondation.

La procureure avait requis des peines pécuniaires allant de 90 à 210 jours-amende pour gestion déloyale et/ou délit contre la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle (LPP). Interrogée à la sortie du Tribunal sur son intention de faire recours ou pas, elle a dit vouloir d'abord examiner les motivations détaillées du jugement.

Mandat libre

Le Fonds de prévoyance de l'Association des communes de la Sarine pour les services médico-sociaux (ACSMS) était constamment en état de sous-couverture depuis 2002. En 2005, il a commencé à collaborer avec la société financière lausannoise Hope Finance.

En 2009, la commission de placement a confié à Hope Finance un mandat discrétionnaire, qui donne au gestionnaire beaucoup plus de pouvoir qu'un mandat simple. Cette société a investi près de 80% de la fortune de l'institution dans des placements risqués à l'étranger.

L'argent s'est volatilisé, puis la caisse a fait faillite. Il a fallu faire appel à un fonds de garantie pour maintenir les rentes d'environ 600 assurés (les employés d'un home médicalisé, des ambulanciers ou encore des policiers de proximité, notamment).

Dégâts d'image

Lors des audiences en février, plusieurs prévenus ont souligné que cette affaire a eu un lourd impact sur leur vie psychique, physique, personnelle et professionnelle. Ils ont expliqué qu'ils vivaient difficilement le climat de suspicion qui les entourait.

Certains ont perdu leur emploi. Albert Lambelet avait estimé que sa non-réélection en tant que syndic et en tant que député était liée à sa "mise au lynchage public par la presse".

ats

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