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Alphonso Davies, du camp de réfugiés aux ors du Bayern

Alphonso Davies, de la graine de star. © KEYSTONE/EPA/ANDREAS GEBERT
Alphonso Davies, de la graine de star. © KEYSTONE/EPA/ANDREAS GEBERT


Publié le 05.06.2020


Né dans un camp de réfugiés en Afrique, Alphonso Davies, prodige canadien de 19 ans déjà mûri par la vie, est devenu cette saison un titulaire incontournable au Bayern Munich.

Son fabuleux destin, ce très jeune homme l'a déjà raconté souvent. Il a vu le jour en l'an 2000 au Ghana, dans un camp insalubre, de parents qui avaient fui la guerre civile au Liberia. Sa mère se souvient qu'elle devait parfois enjamber des cadavres pour aller chercher la nourriture.

Le petit Alphonso a presque cinq ans lorsque la famille est autorisée à émigrer au Canada. A Windsor (Ontario) d'abord, puis plus tard à Edmonton (Alberta).

La vie est rude pour les nouveaux venus: "Après les entraînements, il rentrait directement chez lui changer les couches de son frère et de sa soeur, à dix ans, parce que ses parents bossaient et n'avaient pas les moyens de se payer une baby-sitter", se rappelle son premier entraîneur, Nick Huoseh, devenu son agent.

"Tu entres plus vite dans le monde des adultes quand tu dois faire à manger pour les petits pendant que tes copains jouent aux jeux vidéo", reconnaît le jeune homme: "Mon père se levait à quatre heures du matin, ma mère travaillait de 22h00 à 8h00 du matin. C'était dur (...) mais nous étions heureux."

"Good boy"

Le football va bouleverser sa vie. Surdoué, Alphonso est rapidement repéré par le grand club de Vancouver, les Whitecaps, qui évoluent dans le championnat professionnel de MLS. Sa mère, inquiète de le voir mal tourner, hésite à le laisser partir. Elle finit par céder, mais non sans lui avoir arraché une promesse solennelle: "J'ai promis d'être un +good boy+ (un bon garçon), raconte-t-il, de toujours garder les pieds sur terre et de ne jamais oublier d'où je viens."

Pendant l'interruption des compétitions à cause du coronavirus, il a participé à une opération de collecte de fonds pour le UNHCR, le haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés. "Le UNHCR m'a longtemps soutenu, maintenant le temps est venu de rendre", a-t-il simplement commenté.

A Vancouver, il brille par sa précocité: plus jeune joueur professionnel du Canada à 15 ans, plus jeune international de l'histoire de son pays à 16 ans! Le directeur sportif du Bayern, Hasan Salihamidzic, qui parcourt le monde à la recherche de perles rares, flaire la bonne opération.

Davies est recruté fin 2018 pour 11,5 millions d'euros. Et se retrouve à 18 ans à l'entraînement avec des stars qu'il voyait à la télévision, dont Arjen Robben, son idole d'enfance et celle de son père: "C'était un honneur immense, se souvient-il, de pouvoir d'un seul coup jouer avec lui".

"Assurance vie"

Deux ans plus tard, la valeur de Davies est estimée à 45 millions. "Et on ne peut plus imaginer l'équipe sans lui", constate Salihamidzic.

Son éclosion remonte à l'automne dernier, lorsque le coach Hansi Flick a eu l'idée de génie de transformer cet ailier gaucher en défenseur latéral. "Il est pour nous une assurance vie, grâce à sa vitesse", dit l'entraîneur, "défensivement il est solide, et offensivement il prend de plus en plus de responsabilités".

En passant à l'arrière, le gamin d'Edmonton n'a rien perdu de son sens du dribble, mais il est désormais costaud dans les duels et toujours imbattable au sprint.

Récemment, Thomas Müller a fait rire toute l'Allemagne en le surnommant "Bip-Bip", du nom de l'oiseau de dessin animé qui échappe éternellement au coyote. Mais Davies, qui caresse l'idée d'une carrière au cinéma après le football, se voit plutôt en super-héros! Black Panther, dans les Avengers, est le rôle qu'il aimerait le plus interpréter. "Parce que c'est celui qui me correspond le mieux", dit-il en riant.

Pour l'heure, il s'est contenté pendant la pause forcée de tourner quelques vidéos comiques sur son canapé et de les partager sur les réseaux sociaux.

"La vie est trop courte pour perdre du temps à s'énerver ou à être triste", dit-il en riant, "et je crois que si des enfants n'importe où dans le monde entendent mon histoire, ils peuvent en tirer une motivation et trouver le courage de réaliser aussi leurs propres rêves".

ats, afp

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