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Au Guatemala, l'attente sans fin de l'identification des victimes

Au Guatemala, de nombreuses familles attendent désespérément de pouvoir veiller et inhumer leurs morts. Et elles commencent à perdre patience, devant l'interminable travail d'identification mené par les autorités (image symbolique). © KEYSTONE/AP/RODRIGO ABD
Au Guatemala, de nombreuses familles attendent désespérément de pouvoir veiller et inhumer leurs morts. Et elles commencent à perdre patience, devant l'interminable travail d'identification mené par les autorités (image symbolique). © KEYSTONE/AP/RODRIGO ABD


Publié le 11.06.2018


Dans une morgue improvisée à Escuintla, des dizaines de personnes errent, photos en mains. Elles tentent dans une quête angoissée de retrouver et enterrer les corps de leurs proches, foudroyés par l'éruption du "Volcan de feu" il y a une semaine au Guatemala.

"Ce ne sont pas des animaux, mais des personnes", lance Boris Rodríguez, 24 ans, qui est parvenu à arracher les corps de dix membres de sa famille à l'avalanche de cendres et de roches incandescentes qui a dévasté San Miguel Los Lotes.

Cette petite bourgade, située à 35 kilomètres au sud-ouest de la capitale Guatemala, a été quasiment rasée dimanche dernier par l'éruption d'une violence inédite du volcan. Selon le dernier bilan officiel, 110 personnes ont perdu la vie, 57 sont blessées et 197 portées disparues.

Depuis, les familles éplorées se pressent dans la petite morgue aménagée dans une école de la ville voisine d'Escuintla, où sont rassemblés les restes des victimes.

Longue attente

"C'est trop dur d'avoir pu récupérer les corps mais de ne pas pouvoir les veiller", se désole Boris Rodríguez, debout à côté d'une pile de cercueils mis à la disposition des familles trop modestes pour pouvoir se les payer.

Le jeune homme n'a pas bougé depuis lundi, jour où il a amené à la morgue les dix corps de ses proches. Depuis, il attend. Six jours ont passé, mais aucun n'a pu être identifié.

Comme lui, nombreuses sont les familles qui attendent désespérément ici de pouvoir veiller et inhumer leurs morts. Et elles commencent à perdre patience, devant l'interminable travail d'identification mené par les autorités.

Le processus est lent et difficile, entre la recherche minutieuse de traces d'ADN et les entretiens à mener avec les familles. Sur les 110 corps recueillis à la morgue, seuls 41 ont pu être identifiés, selon l'Institut national de médecine légale (Inacif).

Parcours du combattant

Autre reproche aux autorités, beaucoup pensent ici que la tragédie aurait pu être évitée si la protection civile avait lancé l'alerte et évacué à temps la population, ajoute Enma Pamal. Cette dernière a appris la catastrophe alors qu'elle se trouvait à des milliers de kilomètres du Guatemala.

Cette femme de 46 ans, émigrée aux Etats-Unis depuis plus de vingt ans, a sauté dans le premier avion possible lorsqu'elle a su que son village natal avait été rasé par l'éruption. Elle y a perdu 18 membres de sa famille.

"Qu'ils arrêtent de nous dire de prendre patience", martèle Enma, visiblement éprouvée par le parcours du combattant nécessaire à la restitution des corps, alors qu'elle a fourni dès lundi des échantillons d'ADN et des détails physiques pour permettre d'identifier les victimes.

"Nous voulons que cela aille plus vite (la remise des corps aux familles), mais nous gardons espoir", ajoute Enma Pamal au côté de son frère Gerson, 27 ans, qui a survécu au désastre. Gerson a récupéré les corps de ses parents, de ses frères et d'autres proches dans une église évangélique et dans une petite impasse du village.

Procession funéraire

Pour les premières victimes identifiées, une procession funéraire, suivie par près d'un millier de personnes, s'est tenue dimanche dans la petite ville de San Juan Alotenango, non loin du volcan d'où s'échappent encore d'angoissantes fumerolles.

Carlos Garcia, 16 ans, a accompagné le cercueil de sa soeur Griselda Cortina, 27 ans, et de sa nièce de neuf ans, Meylin Johaly Chavez, jusqu'au cimetière. Les cercueils de deux autres femmes d'une vingtaine d'années, également tuées par l'avalanche de cendres et les émanations de gaz toxiques, suivaient.

Carlos a eu la vie sauve parce qu'il vivait un peu plus loin du volcan que sa famille. Il a pris la fuite dans le sillage de ses voisins terrorisés. "Personne ne nous a avertis", accuse-t-il.

"Je ne les reverrai jamais"

Egalement dans le cortège, mené par une dizaine d'enfants portant des bouquets de fleurs, Jaime Barillas a enterré sa femme de 28 ans, Maria Etelvina Charaldo. Leurs deux filles, âgées de six et deux ans, sont portées disparues.

Il ignore si leurs corps reposent à la morgue ou sous le manteau de boue et de cendres qui a tout englouti. "Je ne peux pas souffrir davantage", dit-il. "Je ne les reverrai jamais".

ats, afp

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