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Au Mexique, un ex-délinquant devient député local

La formation du président-élu Andrés Manuel López Obrador a attiré plusieurs profils atypiques dans ses rangs (archives). © KEYSTONE/AP/MARCO UGARTE
La formation du président-élu Andrés Manuel López Obrador a attiré plusieurs profils atypiques dans ses rangs (archives). © KEYSTONE/AP/MARCO UGARTE


Publié le 02.09.2018


Tatouages et cicatrices sur tout le corps, Pedro Carrizales était encore il y a peu un délinquant: dans quelques jours, il prendra ses fonctions en tant que député local dans le centre du Mexique sous les couleurs du parti du président-élu Andrés Manuel López Obrador.

De son passé, il conserve plusieurs traces: celles des coups de machette sur le crâne, celles des coups de couteau sur le torse et celles des dents qu'il a cassées sur ses poings.

Pedro Carrizales, alias "El Mijis", fait parti des législateurs fédéraux et locaux qui ont été désignés le 1er juillet à travers le pays sous l'étiquette de Morena, le parti fondé il y a quatre ans par M. Lopez Obrador. La formation avec un discours anti-élites a largement remporté ces élections générales.

El Mijis dit avoir été inspiré par "la ténacité" du président-élu, surnommé AMLO par ses initiales, qui a été candidat trois fois avant de parvenir au sommet de l'Etat.

Approche sociale

A 39 ans, ce député prendra ses fonctions le 14 septembre, quelques jours après les députés fédéraux, qui commencent leurs travaux samedi à Mexico, et deux et demi avant M. Lopez Obrador qui prendra ses fonctions le 1er décembre. "Je suis rené de mes cendres pour sauver les jeunes délinquants. Chaque jeune sauvé m'apporte de la paix et de la satisfaction, m'enlève des péchés", déclare-t-il.

Depuis son Parlement local, Pedro Carrizales compte s'aligner sur le projet politique du prochain président, qui cherche à mettre un terme à la violence ravageant le Mexique en mettant l'accent sur les programmes sociaux, plutôt que la lutte anti-drogues en vigueur depuis 2006, qui a fait des centaines de millier de tués et de disparus.

"Là, dans mon district, où les méchants (narcotrafiquants) viennent jeter les morts, je vais mettre des terrains de basket, des salles de spectacle à ciel ouvert", promet-il. Le député-élu veut aussi créer une "police de quartier formée émotionnellement pour intervenir dans les conflits entre les voisins et les bandes. Qu'ils ne jouent pas les Robocop, en arrivant les armes à la main".

Pour les détenus, il entend développer les programmes de travail. De cette manière, "lorsqu'ils ressortent (de prison), ils ne trouvent pas leur famille disloquée, ils ont déjà un toit, ils n'ont pas besoin de voler", raconte-t-il dans son quartier, réputé violent, de la ville de San Luis Potosi.

Plusieurs profils atypiques

M. Lopez Obrador a également proposé dans son programme une amnistie pour certains criminels, dont les mineurs recrutés de force par les cartels. Il a ouvert des forums de discussion avec les victimes et les experts pour définir une stratégie de sécurité. AMLO se dit également prêt à débattre d'une légalisation de certaines drogues.

La formation politique du président-élu Morena, dont l'acronyme signifie Mouvement de régénération nationale, a soutenu plusieurs candidats qui ne passent pas inaperçus.

Au Sénat nouvellement élu, on trouve ainsi Napoleon Gomez, un leader syndical controversé et mis en cause dans une affaire de fraude, et Nestora Salgado, une activiste accusée d'enlèvement et qui a bénéficié d'un non-lieu faute de preuves.

Alcool, drogues et bagarres

Pedro Carrizales a grandi dans une famille violente et pauvre. Avant de l'adopter, la bande "Los Chondos", le passait régulièrement à tabac. Il y entre à 11 ans. Elle devient sa "deuxième famille".

Alcool, drogues et bagarres. "C'était une lutte permanente pour la survie", raconte-t-il sans renier l'autre visage des bandes. "Le gang t'apporte honneur et fidélité, il n'y a pas de trahisons. Dans le quartier, personne ne te laisse derrière, on avance tous ensemble", raconte-t-il.

De ses différentes cicatrices, la plus douloureuses est invisible: celle de ne pas avoir pu accompagner sa mère sur son lit de mort. "J'ai tenté de me suicider à cinq reprises. Imaginez un peu mon sentiment de culpabilité de ne même pas avoir pu lui dire au revoir parce que j'étais en train de picoler. J'ai été en dépression durant deux mois, à me droguer", confie-t-il.

Après avoir touché le fond, "il y a eu une série de miracles": son premier travail, l'arrêt de la drogue et sa première manifestation, en défense du droit des maçons, qui lui a permis de prendre conscience de sa capacité à mobiliser les foules.

ats, afp

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