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Aya, trois fois réfugiée et arrivée à Genève pour changer le monde

Aya Mohammed Abdullah s'inquiète pour toute une génération de Syriens en raison du conflit (archives). © KEYSTONE/EPA/YOUSSEF BADAWI
Aya Mohammed Abdullah s'inquiète pour toute une génération de Syriens en raison du conflit (archives). © KEYSTONE/EPA/YOUSSEF BADAWI


Publié le 20.09.2018


Elle a rêvé à huit ans, pendant la guerre d'Irak, de devenir "présidente du monde". Arrivée il y a un an en Suisse, réfugiée pour la 3e fois, Aya veut consacrer son existence à changer celle de millions de personnes "comme elle". Et peut-être diriger un jour le HCR.

"J'ai commencé tout plus tôt" que les autres jeunes, dit à Keystone-ATS Aya Mohammed Abdullah, désormais âgée de 23 ans. Alors, le scénario de devenir la première réfugiée à être Haut-commissaire de l'ONU pour les réfugiés ne lui semble pas impossible. A Genève, elle se sent bien dans un contexte international "où tout le monde est d'une certaine manière réfugié".

Cette jeune femme doit s'exprimer vendredi au Palais des Nations lors des Peace Talks, une réunion annuelle de témoignages sur la paix sur le modèle des conférences internationales TEDx. Aya a dû fuir tour à tour son pays et la Syrie avant de rejoindre la Turquie.

Aujourd'hui, elle garnit les rangs des étudiants de l'université Webster à Genève. Elle a même gagné deux compétitions de chant organisées par l'établissement anglophone, dont une qui rassemblait tous les sites européens de celui-ci.

Avec sa mère, ses soeurs et son frère, elle a rejoint son père arrivé deux ans plus tôt dans l'un des bateaux qui ont gagné la Grèce. Désormais membre du conseil consultatif mondial des jeunes au Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR), Aya ressent une responsabilité d'alerter les dirigeants politiques et les ONG.

Traductrice avec le HCR

Elle comprend la volonté des gouvernements de lutter contre des individus malveillants, mais "il ne faut pas arrêter les 99%" qui ne demandent que l'accès aux libertés fondamentales et à une vie quotidienne éloignée des conflits. Les Etats "ont le pouvoir de décider du nombre de victimes". Vendredi, Aya expliquera qu'"il y a des millions de personnes comme elle". "Les réfugiés sont des êtres humains normaux. Certains l'oublient", renchérit-elle.

Les atrocités, elle les a observées en Irak et en Syrie: des menaces contre sa famille en 2009 dans son pays aux personnes qui s'entretuent devant elle en passant par les bombes stockées dans son école. En Syrie, Aya est encore toute jeune mais elle sait déjà qu'elle veut mettre cette expérience au bénéfice des personnes confrontées aux mêmes difficultés. Elle est toute jeune aussi lorsqu'elle se porte volontaire sur place auprès du Conseil danois des réfugiés.

Elle se sentira vraiment réfugiée pour la première fois lorsqu'elle arrive à Gaziantep en Turquie en 2011. Elle se mêle alors à des dizaines de milliers de personnes affrontant une situation "comme dans une prison", glisse-t-elle.

Mais plusieurs rencontres vont modifier son quotidien. Un jour, alors qu'elle vient avec sa mère renouveler sa carte de réfugié, un responsable du HCR - étonné par ses capacités en anglais, arabe et turc - lui propose de remplacer un traducteur qui vient de partir. Elle occupera cette fonction pendant six ans tout en étant aussi "travailleuse sur le terrain" pour l'agence onusienne et ses partenaires. Aya bénéficie alors d'un logement en dehors des camps de réfugiés.

Pétition internationale

Il y a trois ans, le blogueur américain Brandon Stanton, impressionné par la jeune femme, lance une pétition en ligne pour qu'elle soit réinstallée dans un autre Etat. Plus d'un million de signatures plus tard, elle finira par arriver à Neuchâtel. Elle éprouve alors le même sentiment d'enfermement dans le centre pour requérants d'asile, mais "avec une vingtaine de personnes" au lieu des milliers en Turquie.

Aujourd'hui encore, elle s'inquiète du conflit syrien qui affecte toute une génération. Et si les conditions le permettent, elle sera "la première" à rentrer en Irak. "J'irai voir le gouvernement suisse pour le remercier et lui dirai que je dois rentrer pour reconstruire mon pays".

Mais tant qu'elle ne peut pas retourner dans son pays, elle n'exclut aucun scénario. Ni de devenir présidente de la Confédération, même si elle regrette qu'il faille autant de temps pour acquérir la citoyenneté suisse par rapport à d'autres pays, ni de remplacer Filippo Grandi comme Haut-commissaire au HCR.

Pour le moment, elle est coprésidente d'une association humanitaire à l'université Webster. Elle souhaite envoyer du matériel dans différents pays. Dans tous les cas, elle annonce qu'elle va continuer à oeuvrer pour des milliers de réfugiés ou davantage encore.

ats

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