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Berne ne veut pas réhabiliter les condamnés antifascistes de 1933

Un monument commémore à Genève les tragiques évènements du 9 novembre 1932. L'armée avait tiré sur la foule réunie pour protester contre la tenue d'un meeting fasciste et antisémite. Le Conseil des Etats ne veut pas réhabiliter les organisateurs de la manifestation. (archives). © KEYSTONE/MARTIAL TREZZINI
Un monument commémore à Genève les tragiques évènements du 9 novembre 1932. L'armée avait tiré sur la foule réunie pour protester contre la tenue d'un meeting fasciste et antisémite. Le Conseil des Etats ne veut pas réhabiliter les organisateurs de la manifestation. (archives). © KEYSTONE/MARTIAL TREZZINI


Publié le 14.06.2018


Les sept personnes condamnées pour la manifestation antifasciste tragique du 9 novembre 1932 ne devraient pas être réhabilitées par l'Assemblée fédérale. Le Conseil des Etats s'y est opposé jeudi. Le National doit encore se prononcer.

Par 24 voix contre 17, les sénateurs ont refusé de donner suite à une initiative cantonale genevoise demandant l'annulation de la condamnation de Léon Nicole, Auguste Millasson, Francis-Auguste Lebet, Jules Daviet, Albert Wütrich, Francis Baeriswyl et Edmond Isaak par une cour d'assises fédérale le 3 juin 1933. Ces personnes avaient été défendues par Jacques Dicker, l'arrière grand-père de l'écrivain Joël Dicker.

Tensions genevoises

La tension était vive dans les années 1930 à Genève, sur fond de montée du totalitarisme en Europe, de crise économique et de chômage. L’Union nationale, parti d’extrême droite de Georges Oltramare, appelle à tenir le 9 novembre 1932 une réunion pour mettre en accusation publique les dirigeants socialistes genevois.

Une manifestation est organisée par le PS. Le Conseil d’Etat en appelle à l’armée pour le maintien de l’ordre public. Le bataillon provenant de Lausanne est constitué de jeunes recrues. De 4000 à 5000 personnes sont réunies à Plainpalais. La confusion est grande. On craint une émeute révolutionnaire. L'armée ouvre le feu. Treize personnes sont tuées, dont une majorité de passants, et 65 blessées.

Sept organisateurs furent ensuite condamnés à des peines allant de quatre à six mois de prison. Une fois relâché, Léon Nicole reprit la direction du Parti socialiste genevois et devint président du Conseil d'Etat le 1er décembre 1933. Genève connut le premier gouvernement à majorité de gauche en Suisse. Les socialistes emportèrent 45 sièges au Grand Conseil.

Conseil des Etats partagé

Les opposants à l'initiative genevoise ont fait valoir la séparation des pouvoirs. Ils n'ont pas voulu annuler, comme le demande aussi le texte, les jugements prononcés en 1933. Ceux-ci ont été rendus dans le respect des règles de l’Etat de droit, a fait valoir Thomas Hefti (PLR/GL) au nom de la commission. Les personnes ont eu droit à une défense. Sur les 18 accusés, sept ont été condamnés.

Dans l'autre camp, on a souligné l'impact des évènements de 1932. Cette question a empoisonné la vie politique genevoise pendant des décennies. La demande de réhabilitation provient de politiciens de tous bords qui veulent faire la paix avec le passé, a souligné Christian Levrat (PS/FR).

Le cas est exceptionnel. Il s'agit d'un engagement de l'armée suisse contre la population civile, a poursuivi Paul Rechsteiner (PS/SG). Et de rappeler que l'Assemblée fédérale a, par exemple, déjà réhabilité les personnes ayant fait passer en Suisse des réfugiés juifs fuyant le nazisme ainsi que les volontaires helvétiques de la guerre civile espagnole.

ats

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