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Boudry (NE): procès pour mutilation d'organes génitaux féminins

Amnesty International avait mis en avant le cas d'excision de cette jeune fille de neuf ans en Somalie pour rappeler que de telles mutilations sont malheureusement encore trop fréquentes (photo symbolique). © KEYSTONE/EPA/ULRIKE KOTERMANN
Amnesty International avait mis en avant le cas d'excision de cette jeune fille de neuf ans en Somalie pour rappeler que de telles mutilations sont malheureusement encore trop fréquentes (photo symbolique). © KEYSTONE/EPA/ULRIKE KOTERMANN


Publié le 11.07.2018


Une femme soupçonnée d'avoir poussé à la mutilation des organes génitaux de ses deux filles a comparu mercredi après-midi devant le Tribunal de police du Littoral et du Val-de-Travers à Boudry (NE). La défense a demandé l'acquittement.

"Si ma cliente est condamnée, toutes les mamans qui ont fait exciser leurs filles avant d'arriver en Suisse devront être punies", a déclaré Me Béatrice Haeny, l'avocate de la prévenue, qui a rappelé que celle-ci vivait en Somalie au moment des faits. "Jamais elle n'aurait été punie si elle n'était pas venue en Suisse".

Selon l'avocate, même si l'excision est interdite en Somalie depuis 2012, personne n'a été condamné dans ce pays-là pour ce fait-là. Elle a rappelé que 98% des femmes somaliennes sont excisées et que celles qui ne le sont pas sont considérées "comme des prostituées", qui ne pourront jamais se marier.

Pour Me Béatrice Haeny, l'universalité de la poursuite pour ce crime ne s'applique pas dans le cas de la prévenue qui est arrivée en Suisse après les faits, soit à fin 2015, à la faveur d'un regroupement familial. Cette disposition a uniquement été prévue pour empêcher le "tourisme de l'excision" et faire en sorte que des personnes résidant en Suisse envoient leurs filles se faire exciser à l'étranger.

Crime odieux

La procureure, Nathalie Guillaume-Gentil Gross, a rappelé que "l'excision est une violence physique, sexuelle et psychique" faite aux femmes. Si l'universalité de la poursuite a été instaurée, c'est parce qu'il s'agit d'un "crime intolérable, odieux et cruel".

Pour le Ministère public, le fait que l'accusée n'était pas domiciliée en Suisse au moment des faits, n'empêche pas de la juger pour de tels actes. La procureure retient l'instigation à l'excision et estime que la prévenue a "agit sciemment de manière volontaire contre la volonté de son mari et de ses filles".

Pour autant, Nathalie Guillaume-Gentil Gross estime que le message à faire passer - notamment aux communautés somaliennes et éthiopiennes qui vivent en Suisse - est plus important que la fixation de la peine. Elle réclame une peine privative de 1 an et demi de liberté avec un sursis de deux ans et des frais de procédure à la charge de l'accusée.

Le Ministère public a reconnu les circonstances personnelles difficiles de la prévenue, qui vit séparée de son époux avec quatre enfants à charge. De plus, cette maman analphabète "avait peu de capacités d'aller à l'encontre de la culture" de son pays et de s'opposer à l'excision.

Entre sept et six ans et demi

Les deux petites victimes avaient entre sept et six ans et demi au moment des faits. La prévenue, qui a donné à plusieurs reprises des versions contradictoires avec sa première audition par la police, avait même évoqué l'âge de 5 ans. Mais étant donné son analphabétisme, la trentenaire a de la peine à situer un événement dans le temps.

Dans sa première audition, l'accusée affirmait que c'était elle qui avait commandité l'excision de ses filles en expliquant qu'elle ne savait pas que c'était interdit en Suisse et celles qui ne le sont pas sont très mal considérées dans son pays. Lors de l'audience de mercredi, elle a déclaré que c'était sa mère qui avait fait exciser ses filles dans son dos quand elle vendait des légumes au marché.

"J'étais fâchée contre ma mère mais elle m'a dit que les shebabs - islamistes somaliens - contrôlaient tout le monde et que c'était mieux pour moi et mes filles", a déclaré l'accusée qui a été elle-même excisée et infibulée quand elle était enfant et qui en subit toujours de fortes douleurs.

L'aînée a subi une excision totale ou quasi totale (infibulation, soit mutilation génitale de type III) et la cadette une ablation clitoridienne partielle, soit une excision du prépuce associée à une amputation partielle du clitoris (mutilation de type I). "Je pense que, comme j'étais fâchée, ma mère a fait plus léger pour la 2e", a expliqué la prévenue.

C’est le mari, également somalien, qui a dénoncé son épouse pour avoir fait mutiler les organes génitaux de leurs deux filles. Dans sa première audition devant la police, elle avait déclaré que c'était elle qui avait instigué les excisions. "J'étais seule, isolée quand je suis arrivée en Suisse et je préférais que la responsabilité soit sur moi, plutôt que sur mon mari", a expliqué l'accusée.

Le verdict sera rendu jeudi à 15h30.

ats

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