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Cinquante ans après, le cancer de l'amiante mieux compris

Jusqu'en 1990, de l'amiante était incorporé dans dans de nombreux produits en raison de sa résistance et de ses propriétés ignifuges et isolantes (archives). © KEYSTONE/CHRISTIAN BRUN
Jusqu'en 1990, de l'amiante était incorporé dans dans de nombreux produits en raison de sa résistance et de ses propriétés ignifuges et isolantes (archives). © KEYSTONE/CHRISTIAN BRUN


Publié le 08.03.2018


Longues et pointues, les fibres d’amiante provoquent des inflammations chroniques qui peuvent mener à un cancer. Des chercheurs suisses et canadiens ont trouvé une explication à ce phénomène et espèrent ainsi le prévenir.

L’effet cancérogène de l’amiante est largement reconnu depuis bientôt 50 ans. Contrairement à une croyance répandue, ce minéral fibreux ne déclenche pas directement le cancer du poumon, mais atteint d’abord une couche de cellules qui entoure l’ensemble des organes internes: le mésothélium.

Le système lymphatique ne parvenant pas à éliminer ces fibres longues et pointues, ces dernières restent coincées dans ce tissu. Elles le blessent de manière répétée, ce qui peut finalement provoquer un cancer.

"L’exposition chronique à l’amiante déclenche un processus de cicatrisation. Cela dérègle le système immunitaire, qui ne combat alors plus assez efficacement les tumeurs en formation", explique Emanuela Felley-Bosco, directrice de l’étude à l'Hôpital universitaire de Zurich, citée jeudi dans un communiqué du Fonds national suisse (FNS).

Réaction immunitaire atténuée

Pour arriver à ces conclusions, les chercheurs ont injecté des fibres d’amiante dans la cavité abdominale de souris, elle aussi recouverte de mésothélium. Bien que l’amiante soit en lui-même inoffensif d’un point de vue chimique, les microlésions provoquent une réaction immunitaire: des signaux inflammatoires sont émis et des globules blancs affluent.

Les signaux chimiques activés dans le tissu enflammé du mésothélium dans le but de favoriser la cicatrisation stimulent cependant par la même occasion la division cellulaire, et favorisent ainsi la croissance de tumeurs. L’équipe a de plus mis en évidence une augmentation des mutations dans l’ARN, une sorte de copie de travail de l’ADN.

Les chercheurs supposent que c’est entre autres ce phénomène qui atténue la réaction immunitaire. Conséquence: les cellules tumorales qui apparaissent ne sont plus combattues efficacement et un cancer peut se développer.

Un mécanisme similaire est à l’oeuvre chez l’être humain. Une analyse d’une banque de données génétiques faite par les scientifiques indique que l’enzyme responsable des mutations de l’ARN était présente en plus grande concentration dans les tumeurs de patients dont la maladie évoluait de manière défavorable.

Dépistage et immunothérapie

"Jusqu’à présent, le cancer provoqué par l’amiante restait une boîte noire", note Emanuela Felley-Bosco. Les résultats de son équipe sont utiles pour une détection précoce des signaux de l’inflammation ainsi que pour développer une thérapie spécifique contre le cancer du mésothélium.

"Une thérapie contre les inhibiteurs du système immunitaire représente une solution prometteuse", poursuit la chercheuse. Une étude clinique portant sur l’immunothérapie à un stade avancé de la maladie se déroule actuellement dans quinze hôpitaux: cinq en Suisse et dix en Grande-Bretagne ainsi qu’en Espagne.

Ces découvertes pourraient également améliorer la compréhension d’autres types de cancer susceptibles d’être provoqués par des inflammations chroniques telles que la rectocolite hémorragique ou la maladie de Crohn, ou encore par des infections à Helicobacter pylori.

Cette étude est le fruit d’une collaboration entre les hôpitaux universitaires de Zurich, de Genève et de Toronto, l’Université de Fribourg et l’EPF de Zurich. Elle a été publiée dans la revue Oncogene.

ats

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