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Conflits: avancée et défi pour les médiateurs suisses avec le Covid

Le directeur exécutif du Centre pour le dialogue humanitaire (HD) David Harland relève des possibilités pour les médiateurs avec la pandémie mais alerte aussi sur la menace de violences (archives). © KEYSTONE/VALENTIN FLAURAUD
Le directeur exécutif du Centre pour le dialogue humanitaire (HD) David Harland relève des possibilités pour les médiateurs avec la pandémie mais alerte aussi sur la menace de violences (archives). © KEYSTONE/VALENTIN FLAURAUD


Publié le 30.04.2020


La pandémie offre des opportunités aux médiateurs, après l'appel du secrétaire général de l'ONU à un cessez-le-feu mondial. La Suisse et le Centre HD, établi à Genève, sont actifs. Mais la situation profite aussi aux extrémistes et il faut se préparer à des violences.

Depuis l'appel d'Antonio Guterres il y a un mois, des gouvernements et des groupes armés d'une quinzaine de pays au moins ont décrété des cessez-le-feu, notamment au Yémen, en Afghanistan et en Syrie. Dans certains, des violations ont déjà été observées.

A la manoeuvre pour préparer un dialogue entre gouvernement et séparatistes de la région anglophone du Cameroun, la Suisse a trouvé "un peu plus d'ouverture dans un contexte très difficile", dit dans un entretien à Keystone-ATS le directeur exécutif du Centre pour le dialogue humanitaire (HD) David Harland. L'organisation genevoise de médiation privée l'aide dans cet effort.

Signe encourageant, un groupe séparatiste a répondu à l'appel de M. Guterres dans cette zone. Le gouvernement camerounais a lui officiellement admis, après l'avoir démenti, que des militaires avaient tué des civils en février. Depuis de nombreux mois, les violences ont fait des centaines de milliers de déplacés dans cette région, selon l'ONU.

En Libye, où une trêve humanitaire avait été lancée le 21 mars, deux jours avant la déclaration du secrétaire général, les violences sont en revanche plus importantes qu'auparavant, selon plusieurs observateurs. Parmi eux, actif depuis des années dans ce pays où il a organisé pour l'ONU un dialogue national, HD relève que la situation "pose aussi un problème pour l'Europe en raison du potentiel de davantage de réfugiés et de terrorisme".

Succès dans plusieurs pays

"Mais la situation change tellement rapidement en Libye qu'elle pourrait aussi provoquer des opportunités pour les médiateurs", dit M. Harland. HD a facilité il y a un mois un appel à l'unité pour faire face à la pandémie dans un pays divisé par des années de conflit civil.

Ce dispositif a été signé en un jour par un millier de médecins et travailleurs de la santé, maires, responsables politiques nationaux et autres acteurs. Avec l'ONU et d'autres partenaires, HD a aussi oeuvré activement il y a quelques semaines auprès d'un groupe d'une ville du sud qui avait coupé l'approvisionnement en eau de Tripoli. Plus de 2 millions de personnes ont été affectées pendant une semaine avant le rétablissement des infrastructures.

Plus largement, habituellement très discrète, l'institution a relayé plusieurs dispositifs ou avancées ces dernières semaines. Le même jour que l'appel de M. Guterres, elle s'est engagée à contribuer à faciliter l'accès aux données importantes de la pandémie et à l'assistance humanitaire pour les populations difficiles à atteindre. Et aussi à oeuvrer avec les communautés pour améliorer la réponse face à la crise.

Mais surtout, HD souhaite tenter d'arracher des trêves humanitaires. Accompagnés par le centre, des rebelles ont pris de telles résolutions ces dernières semaines au Soudan du Sud, au Sénégal ou encore en Centrafrique.

L'obtention d'engagements humanitaires de groupes non étatiques est au centre même de l'activité d'une autre organisation genevoise, l'Appel de Genève. Depuis le début de la crise, celle-ci a discuté avec un certain nombre de ces entités sur la réponse à la situation sanitaire, une réduction du probable impact économique et une diminution des violences auxquels les civils doivent faire face.

Médiation numérique prévue

Mardi, ces efforts ont été couronnés de succès en Irak. Deux groupes armés ont signé une déclaration unilatérale dans laquelle ils souhaitent aider à l'accès aux soins et à lutter contre les effets du coronavirus.

Pour autant, ces avancées s'accompagnent aussi de défis. "La pandémie est bonne pour les extrémistes", alerte M. Harland. Avec les confinements, "les populations les plus pauvres souffrent le plus, ce qui les rend plus ouvertes" aux messages d'entités comme l'Etat islamique (EI).

Contrairement à la Suisse, les gouvernements africains et au Proche-Orient ne peuvent soutenir largement les citoyens affectés par l'impact économique. Cette situation va aboutir à "une seconde vague", celle des violences, et "nous devons nous préparer", insiste M. Harland.

A plus long terme, la pandémie pourrait aussi changer le mode des médiations. Alors que les cyberconflits menacent et que des guerres hybrides sont observées, HD aide les acteurs à s'adapter à ce nouvel écosystème. Il a notamment lancé avec l'ONU des instruments sur la médiation numérique.

ats

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