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"Economie verte": on ne sait pas de quoi on parle, selon une étude

L'économie "verte" est loin de faire l'unanimité: ici, une manifestation aux Philippines en 2012 à l'occasion du sommet Rio+20 (archives). © KEYSTONE/AP/Aaron Favila
L'économie "verte" est loin de faire l'unanimité: ici, une manifestation aux Philippines en 2012 à l'occasion du sommet Rio+20 (archives). © KEYSTONE/AP/Aaron Favila


Publié le 21.01.2020


La crise climatique a engendré de nouveaux concepts utilisés par tous, comme "économie verte", dont la définition reste souvent floue. "On ne sait pas de quoi on parle", affirment des chercheurs de l'EPFL qui publient une étude sur ce sujet.

Economie verte, croissance verte, développement durable, bio-économie, économie circulaire... Les concepts appelant à un système sociétal plus respectueux de l’environnement se sont multipliés ces dernières années, a indiqué mardi l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) dans un communiqué.

Soucieux d'y voir plus clair, les chercheurs ont comparé méthodiquement quelque 140 définitions parues dans des revues scientifiques (117) ou publiées par des organisations internationales de référence (23): 95 de ces définitions faisaient référence à l’économie verte, 45 à la croissance verte, souvent utilisée comme synonyme.

Après quelques mentions marginales dans les années 1990, l’idée d’économie verte prend de l’ampleur à partir de 2008 dans les milieux académiques et politiques, notamment en réaction à la crise financière mondiale de 2007-2008 et, en particulier, sous l’impulsion des Nations Unies et de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

"Entre 2008 à 2018, on passe de zéro à 200 publications scientifiques par an sur le sujet", précise Albert Merino-Saum, premier auteur et collaborateur scientifique au Laboratoire de relations humaines-environnementales dans les systèmes urbains de l’EPFL, cité dans le communiqué.

Pas de définition homogène

Le problème: aucune définition homogène n’est établie. Toutes les études s’accordent à dire plus ou moins explicitement que l’économie verte est multidimensionnelle, mais l’importance donnée aux aspects sociaux, économiques et technologiques et la manière dont ces dimensions sont articulées varient fortement.

"Les articles se sont accumulés au fil du temps sans faire référence à une étude fondatrice qui donne une définition claire du concept d’économie verte, comme cela est normalement le cas dans la littérature scientifique. On ne sait donc pas de quoi on parle", explique le chercheur.

En établissant une grille d’une quarantaine d’éléments conceptuels récurrents, les chercheurs ont réussi à distinguer dans ces articles trois familles, selon ces travaux publiés dans le Journal of Cleaner Production.

Familles conceptuelles

La première place l’économie au centre du système et affirme que la finance et le commerce "verts" peuvent soutenir le système écologique. "Elle s’apparente à la notion de ‘croissance verte’, à l’exception notable que cette dernière ne tient généralement pas compte de la finitude des ressources naturelles", détaille le chercheur.

La seconde famille associe l’économie verte principalement au bien-être des humains et met l’accent sur les enjeux d’équité dans la répartition des richesses et dans l’accès aux ressources naturelles.

La dernière définition considère le développement technologique et scientifique comme une solution aux problèmes écologiques et une garantie du développement économique.

"Selon nous, les articles scientifiques faisant appel à 'l’économie verte' devraient à l’avenir toujours expliquer en préambule dans quelle famille conceptuelle ils s’inscrivent", estime Albert Merino-Saum.

L'économie circulaire domine

Ceci pour autant que le concept d’économie verte perdure. Car, telles des collections de prêt-à-porter, ces notions subissent les outrages du temps.

"Actuellement, la notion d’économie circulaire domine la recherche. Sur ce thème, on est passé de zéro à 800 publications scientifiques par an entre 2008 et 2018, avec un boom très net en 2015", illustre le chercheur. Une hausse liée notamment au lancement par l’Union européenne du programme d’action en Economie circulaire.

Pour Albert Merino-Saum, le concept d’économie verte ne perdurera que s’il parvient à se distinguer de son cousin, le "développement durable". Le premier passant pour plus opérationnel que le second. Autre signe potentiel de déclin: l’Agenda 2030 des Nations Unies y a renoncé et parle désormais de "17 objectifs de développement durable (ODD)".

L'obsolescence de ces concepts est liée selon lui au fait qu'ils sont en partie récupérés à des fins de "greenwashing", ou écoblanchiment, par des entreprises ou institutions désireuses de se donner une image de responsabilité écologique. Le chercheur entend maintenant poursuivre son travail de décodage avec d'autres poncifs comme "durabilité urbaine" ou "smart city".

ats

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