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Etat de droit dans l'UE: Hongrie et Pologne sur la sellette

Le rapport publié mercredi fait état de "vives inquiétudes" sur les conséquences des réformes de la justice sur l'indépendance des magistrats, en particulier dans la Hongrie de Viktor Orban et en Pologne (archives). © KEYSTONE/AP AFP Pool/JOHN THYS
Le rapport publié mercredi fait état de "vives inquiétudes" sur les conséquences des réformes de la justice sur l'indépendance des magistrats, en particulier dans la Hongrie de Viktor Orban et en Pologne (archives). © KEYSTONE/AP AFP Pool/JOHN THYS


Publié le 30.09.2020


La Commission européenne a dévoilé mercredi un premier rapport sur le respect de l'Etat de droit dans les 27 pays de l'UE. Ce texte épingle particulièrement la Hongrie et la Pologne pour leurs atteintes à l'indépendance de la justice.

"Ce rapport nous permet d'entamer une nouvelle étape dans la protection de l'Etat de droit", a estimé le commissaire européen à la Justice Didier Reynders. Il a souligné que cette "cartographie" était basée sur une "méthodologie commune et objective".

"J'ai toujours été de ceux qui pensaient (...) que nous devions examiner tous les Etats membres sur un pied d'égalité", a ajouté le Belge, qui a piloté l'initiative. La Hongrie et la Pologne accusent régulièrement Bruxelles de pratiquer un "deux poids, deux mesures" à leur égard.

Ce bilan est un "élément de plus dans notre boîte à outils sur l'Etat de droit, un nouveau mécanisme préventif" pour "identifier tôt les problèmes", a souligné à ses côtés la vice-présidente de la Commission Vera Jourova.

Vives tensions

Il a été présenté au lendemain d'une attaque du Premier ministre hongrois Viktor Orban contre Mme Jourova, qui a récemment qualifié la Hongrie de "démocratie malade". Le dirigeant souverainiste a écrit à la présidente de l'exécutif européen Ursula von der Leyen pour lui réclamer la tête de la commissaire tchèque et annoncé que son gouvernement rompait tout contact avec elle.

Le sujet promet aussi d'être l'un des dossiers chauds du sommet européen de jeudi et vendredi: Pologne et Hongrie menacent de bloquer le plan de relance européen, refusant tout lien entre le versement des fonds et le respect des valeurs de l'UE.

Procédures ouvertes

S'il ne contient pas "d'informations nouvelles" de l'aveu même de Didier Reynders, le document fait état de "vives inquiétudes" sur les conséquences des réformes de la justice sur l'indépendance des magistrats, en particulier en Hongrie et en Pologne. Des craintes qui ont notamment mené au déclenchement de la procédure dite de "l'article 7" à l'encontre de ces pays pour risque de violation des valeurs de l'UE.

Cette procédure, lancée par la Commission contre la Pologne en décembre 2017 et par le Parlement contre la Hongrie en septembre 2018, peut en théorie déboucher sur des sanctions jusqu'à la privation du pays de son droit de vote au Conseil européen, mais s'avère difficile à mettre en oeuvre. Varsovie a été condamnée à plusieurs reprises par la Cour de justice de l'UE pour atteinte à l'indépendance des juges.

Indépendance de la justice

Cet état des lieux, qui deviendra annuel, s'inquiète également de l'indépendance du système judiciaire en Bulgarie, Roumanie, Croatie et Slovaquie. Il met par ailleurs en cause l'efficacité des enquêtes, poursuites et jugements concernant les affaires de corruption en Hongrie, Bulgarie, Croatie, Slovaquie, République tchèque et Malte.

La Bulgarie, où se tiennent des manifestations quotidiennes contre la corruption depuis deux mois et demi, fait l'objet depuis son adhésion à l'UE en 2007 d'une surveillance renforcée de Bruxelles en matière de réforme de la justice et de lutte contre la corruption, tout comme sa voisine, la Roumanie.

Le rapport pointe des menaces à l'indépendance politique des médias en Hongrie, Pologne, Bulgarie et Malte, et des attaques contre des journalistes en Bulgarie, Croatie, Hongrie, Slovénie et Espagne. Il souligne enfin les "graves difficultés" rencontrées par les ONG en Bulgarie, Hongrie et Pologne, en raison de "lois limitant l'accès aux financements étrangers" ou de "campagnes de dénigrement".

Il se fonde sur des contributions des Etats membres ainsi que sur des échanges de la Commission avec les autorités judiciaires et policières de chaque pays et les associations de journalistes et représentants de la société civile.

Pas un frein aux populistes

Mais un tel rapport dépourvu de fortes recommandations et sanctions "n'arrêtera pas les régimes autoritaires et populistes de saper la démocratie dans leurs pays", a estimé Linda Ravo, de l'ONG Liberties, appelant l'UE à agir "fermement" et de façon "unie" face à des dirigeants "comme Viktor Orban".

En réponse à Bruxelles, la Hongrie et la Pologne ont annoncé dès lundi la création d'un Institut pour lutter contre "la répression idéologique libérale" de l'UE.

ats, afp

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