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Evaluer la beauté écosystémique par l'intelligence artificielle

Le parc national Snowdonia au Pays de Galles a été ressenti comme particulièrement esthétique et bienfaisant. © Flickr
Le parc national Snowdonia au Pays de Galles a été ressenti comme particulièrement esthétique et bienfaisant. © Flickr


Publié le 15.10.2021


Quantifier la beauté des écosystèmes est devenu une vraie question de politique publique. Des chercheurs de l’EPFL et de l’Université de Wageningen aux Pays-Bas ont mis au point un indicateur basé sur l’intelligence artificielle et l'analyse de millions de photos.

La beauté du paysage dans lequel on pratique un loisir tel que la marche en montagne, un footing ou une sortie en paddle contribue au bénéfice que l’on peut en tirer pour sa santé physique et mentale, a indiqué vendredi l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) dans un communiqué.

Ce bien-être est l’un des paramètres décrits dans les services écosystémiques (SE), ensemble de principes directeurs visant à quantifier quelles sont les contributions de la nature au bien-être de la population. Les SE permettent notamment d’appuyer certaines politiques de préservation de l’environnement.

Neuf millions d'images

Les chercheurs de l’EPFL et leurs confrères des Pays-Bas ont entraîné un système d’apprentissage profond sur la base d’une étude anglaise. Cette dernière, "Scenic-Or-Not", comprend plus de 200'000 clichés, visant à couvrir le territoire de Grande-Bretagne, qui ont ensuite été évalués selon leur beauté sur une plateforme participative.

Ce procédé a permis d’obtenir une évaluation plus personnelle que les critères traditionnellement utilisés dans les vastes enquêtes de ce genre. Ils ont ensuite appliqué ce système d’apprentissage profond à plus de 9 millions d'images de paysages situés en Grande-Bretagne accessibles au public sur le réseau social Flickr.

Finalement, ils ont comparé leurs résultats avec ceux obtenus sur le même territoire par un système d’intelligence artificielle plus traditionnel basé sur des indicateurs environnementaux.

Des incontournables

Les résultats de l’étude ont été compilés en une carte présentant des zones de couleur selon leur attractivité visuelle. Le parc national Snowdonia au Pays de Galles, le Lake District en Angleterre et les Highlands en Ecosse restent, pour les deux modèles, des incontournables de l’émerveillement et du bien-être.

"A une résolution de 5 km2, les résultats sont semblables", souligne Devis Tuia, professeur au Laboratoire de science computationnelle pour l’environnement et l’observation de la Terre de l’EPFL, cité dans le communiqué. Les zones plus urbaines, de moins grande qualité scénique, comme Londres et Glasgow, sont également clairement distinctes.

Mais à une résolution de 500 m2, les prédictions sont plus nuancées et plus précises avec le nouveau modèle basé sur les clichés Flickr. Par exemple dans le Grand Londres, Richmond Park et l'aéroport d'Heathrow sont perçus comme pittoresques par le modèle traditionnel, alors que ces zones peu propices à la détente ont bien été perçues comme telles par le nouveau.

Des informations inédites

Le fait d’utiliser les réseaux sociaux, combiné à l’apprentissage profond, permet également de mesurer avec une plus grande exactitude les changements dans le plaisir esthétique au fil du temps.

Dans une expérience complémentaire, les chercheurs se sont focalisés sur quelques zones naturelles parmi les mieux cotées de Grande-Bretagne, telles que le Lake District, la côte du Pembrokeshire au Pays de Galles et les Cairngorms en Ecosse. Ils ont ainsi pu observer que les critères mis en évidence par leur système changent au fil des saisons.

L'attribut "neige" par exemple, se trouve en concordance avec les bulletins météorologiques correspondants. Un pic peut être constaté durant l’hiver 2009/2010 qui a été particulièrement blanc. Il est même possible de voir comment ce critère prend de l’importance durant les week-ends, lorsque les gens sont plus susceptibles de visiter des paysages enneigés.

"Cela montre que l'utilisation de données basées sur les réseaux sociaux fournit une combinaison d'informations sur l'état de l'environnement et la façon dont les gens interagissent avec lui. Ce qui n’avait encore jamais été obtenu avec ce degré de précision", souligne Devis Tuia.

Pour Ilan Havinga, doctorant à l'Université de Wageningen, "mesurer à grande échelle les contributions esthétiques des paysages au bien-être des individus est une tâche difficile. Cette recherche fournit une base technologique pour modéliser la jouissance esthétique du paysage par les gens, tout en incorporant l'élément le plus important: les gens eux-mêmes". Ces travaux sont publiés dans la revue Nature Scientific Reports.

ats

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