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Garde-frontière condamné à la suite de la mort d'un bébé

La femme, 22 ans à l'époque et enceinte de sept mois, ainsi que son mari faisaient partie d'un groupe de 36 réfugiés reconduit de Vallorbe (VD) à Domodossola (I) par une quinzaine de collaborateurs du Corps suisse des gardes-frontière (photo symbolique). © Keystone/GIAN EHRENZELLER
La femme, 22 ans à l'époque et enceinte de sept mois, ainsi que son mari faisaient partie d'un groupe de 36 réfugiés reconduit de Vallorbe (VD) à Domodossola (I) par une quinzaine de collaborateurs du Corps suisse des gardes-frontière (photo symbolique). © Keystone/GIAN EHRENZELLER
L'accusé a été condamné jeudi par la justice militaire. © KEYSTONE/KARIN WIDMER
L'accusé a été condamné jeudi par la justice militaire. © KEYSTONE/KARIN WIDMER


Publié le 07.12.2017


Un garde-frontière a été condamné jeudi après la mort d'un enfant à naître d'une Syrienne. Il avait refusé une aide médicale à cette femme qui avait fait une fausse couche durant son renvoi en Italie en 2014.

Le Tribunal militaire 4, à Berne, a condamné l'homme à une peine privative de liberté de 7 mois et à une peine pécuniaire de 60 jours amendes à 150 francs. Les deux sanctions sont assorties du sursis. Le garde-frontière a été reconnu coupable de lésions corporelles par négligence, de tentative d'interruption de grossesse et de violations répétées des prescriptions de service.

Le mari de la victime, qui était présent durant une bonne partie du procès, a déclaré à l'ats qu'il était soulagé par le verdict de culpabilité. Il a estimé cependant que la peine n'était pas à la mesure de la mort de son enfant.

Enceinte de sept mois

La famille syrienne, dont la femme était enceinte de sept mois, avait été interceptée à la frontière franco-suisse début juillet 2014. Elle tentait de gagner la France depuis l'Italie en compagnie d'un groupe d'une trentaine de réfugiés.

Les réfugiés avaient pris place dans un bus afin d'être refoulés en Italie par Brigue (VS). Le garde-frontière assumait seul la responsabilité du groupe pendant ce transport.

Peu avant l'arrivée à Brigue, la femme enceinte s'était plainte de douleurs et de saignements, problèmes qui s'étaient aggravés rapidement. A plusieurs reprises, son mari avait réclamé en vain une assistance médicale pour sa femme. Ce n'est que lorsqu'il avait fallu la porter dans le train à destination de l'Italie que le militaire avait reconnu que la femme n'allait pas bien du tout.

Au lieu d'appeler un médecin, il avait toute même fait embarquer les réfugiés dans le convoi qui devait les emmener à Domodossola (I). Le garde-frontière avait ensuite appelé les autorités italiennes pour les informer qu'une femme enceinte souffrante se trouvait à bord. Cette dernière mit au monde à l'hôpital de Domodossola un bébé mort-né prénommé Sarah.

Un seul appel

"Il aurait suffi d'un seul appel", a lancé jeudi le président du Tribunal militaire 4, le colonel Alberto Fabbri, d'une voix douce mais d'autant plus insistante. En effet, Brigue est doté d'un hôpital et plusieurs médecins sont installés à proximité de la gare.

L'accusé était soumis à une pression certaine pour procéder rapidement à l'expulsion du groupe de réfugiés, a reconnu le président. Mais cela n'empêchait pas le garde-frontière de retenir la famille syrienne afin de faire examiner la femme enceinte par un médecin.

Le tribunal n'a pas reproché au militaire d'avoir mal jugé la situation au départ et d'avoir considéré qu'il s'agissait d'une grossesse normale. Cependant, le garde, ou un de ses collègues, aurait dû s'inquiéter davantage de la femme enceinte. Cela relevait indubitablement des obligations de l'équipe qui était de service, selon les juges. Ces derniers ont d'ailleurs relevé que l'accusé ne manifestait pas vraiment un repentir sincère.

Mort avant Brigue

Dans son jugement, le tribunal considère que l'enfant avait déjà cessé de vivre avant l'arrivée à Brigue en raison d'un décollement du placenta. Les douleurs éprouvées par la mère étaient dues à cet accident. Les contractions ont commencé seulement à Brigue. Ces considérations ont été déterminantes pour déterminer les actes répréhensibles et fixer la quotité de la peine. Elles ont joué en faveur de l'accusé.

Le tribunal militaire n'est pas entré en matière sur les prétentions civiles et s'en est remis à la Confédération. L'avocate de la famille a déclaré qu'elle déposerait une action en responsabilité de l'Etat.

Le procureur s'est dit "pas déçu" par le verdict, bien qu'il réclamait une peine plus élevée. Il se réserve cependant la possibilité de recourir dans les cinq jours.

La question des conséquences professionnelles de ce verdict de culpabilité pour le garde-frontière valaisan de 57 ans devra être examinée lorsque le jugement sera définitif, a indiqué Jürg Noth, commandant du Corps des gardes-frontière. Depuis l'affaire de Brigue, l'intéressé a été affecté à d'autres tâches.

ats

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