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L'état d'urgence va être levé après deux ans de purges

L'état d'urgence, régime d'exception, qui élargit considérablement les pouvoirs du président et des forces de sécurité, a été mis en place le 20 juillet 2016 (archives). © KEYSTONE/AP/EMRAH GUREL
L'état d'urgence, régime d'exception, qui élargit considérablement les pouvoirs du président et des forces de sécurité, a été mis en place le 20 juillet 2016 (archives). © KEYSTONE/AP/EMRAH GUREL


Publié le 18.07.2018


La Turquie lève dans la nuit de mercredi à jeudi l'état d'urgence instauré il y a deux ans après un putsch avorté et dans le cadre duquel de vastes purges ont été menées. Mais l'opposition craint qu'il ne perdure de fait à travers une nouvelle loi "antiterroriste".

Ce régime d'exception, qui élargit considérablement les pouvoirs du président et des forces de sécurité, a été mis en place le 20 juillet 2016, quelques jours après une sanglante tentative de coup d'Etat qui a secoué la Turquie dans la nuit du 15 au 16 du même mois.

Sous l'état d'urgence, les autorités turques ont mené pendant deux ans une traque implacable contre les putschistes et leurs sympathisants présumés, mais ont aussi visé des opposants prokurdes accusés de "terrorisme", des médias critiques et des ONG.

Activé pour une durée initiale de trois mois, l'état d'urgence a été prolongé à sept reprises et la dernière extension expire mercredi à 24h00 (jeudi 01h00 heure turque). Le gouvernement a indiqué qu'il n'y aurait pas de nouvelle rallonge.

La levée programmée de l'état d'urgence survient moins d'un mois après des élections remportées par M. Erdogan qui ont doté l'homme fort de la Turquie de pouvoirs renforcés, aux termes d'une révision constitutionnelle controversée adoptée l'an dernier.

Emission de décrets

L'état d'urgence a notamment permis à M. Erdogan d'émettre pendant deux ans des décrets à valeur de loi qui ont profondément modifié la législation turque. Aux termes de la réforme constitutionnelle, le président turc conservera cette prérogative après l'état d'urgence.

Pendant les deux années écoulées, la Turquie a vécu au rythme de purges incessantes qui ont conduit à l'incarcération de près de 80'000 personnes soupçonnées de liens avec le putsch ou avec le "terrorisme". Plus de 150'000 fonctionnaires ont en outre été limogés ou suspendus.

Parmi les 34 décrets-lois émis pendant l'état d'urgence figurent la mise en place d'une tenue unique pour les personnes emprisonnées en lien avec le putsch - une mesure jamais appliquée à ce jour-, ou encore l'immunité judiciaire pour les civils ayant affronté les putschistes.

"Pérenniser l'état d'urgence"

En deux ans d'état d'urgence, la Turquie a connu une "transformation radicale" avec notamment la "réduction au silence des voix critiques", dénonce dans un communiqué Amnesty International. La levée de ce régime d'exception est "un pas dans la bonne direction", juge l'ONG, qui insiste toutefois sur la nécessité de "rétablir le respect des droits de l'Homme, permettre à la société civile de s'épanouir à nouveau et dissiper le climat de peur".

Si la presse favorable au gouvernement est satisfaite, l'opposition fait preuve de circonspection.

D'autant que le parti de M. Erdogan a présenté cette semaine au Parlement un projet de loi "antiterroriste" qui contient des mesures directement inspirées de l'état d'urgence. Ainsi, le texte que l'AFP a consulté permet aux autorités de continuer, pour les trois années à venir, de limoger tout fonctionnaire lié à une "organisation terroriste".

En outre, les administrateurs publics nommés pendant l'état d'urgence à la tête d'entreprises soupçonnées de liens avec une "organisation terroriste" pourront rester en place pendant encore trois ans.

ats, afp

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