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La famille d'Adama Traoré porte une nouvelle expertise au dossier

Deux ans et demi après la mort d'Adama Traoré, érigé en symbole des violences policières par ses proches, sa famille tente de relancer les investigations. Mardi, elle a versé au dossier une nouvelle expertise médicale qui contredit les conclusions de l'enquête (image symbolique). © KEYSTONE/GAETAN BALLY
Deux ans et demi après la mort d'Adama Traoré, érigé en symbole des violences policières par ses proches, sa famille tente de relancer les investigations. Mardi, elle a versé au dossier une nouvelle expertise médicale qui contredit les conclusions de l'enquête (image symbolique). © KEYSTONE/GAETAN BALLY


Publié le 13.03.2019


Deux ans et demi après la mort d'Adama Traoré, érigé en symbole des violences policières par ses proches, sa famille tente de relancer les investigations. Mardi, elle a versé au dossier une nouvelle expertise médicale qui contredit les conclusions de l'enquête.

Le jeune homme noir de 24 ans est mort le 19 juillet 2016 à Beaumont-Sur-Oise (Val-d'Oise) lors de son interpellation au terme d'une course-poursuite. Ce rapport, rédigé par quatre professeurs d'hôpitaux parisiens à la demande des parties civiles, a été communiqué lundi in extremis aux juges d'instruction qui ont décidé mi-décembre de boucler leurs investigations sans mettre en examen les trois gendarmes au coeur de l'interpellation.

Les juges s'appuyaient notamment sur une expertise médicale de synthèse, remise en septembre. Celle-ci concluait que le pronostic vital du jeune homme était "engagé de façon irréversible" avant son arrestation, exonérant les gendarmes de toute responsabilité.

Selon les quatre experts mandatés par la justice, c'est une maladie génétique, la drépanocytose, associée à une pathologie rare, la sarcoïdose, qui a entraîné une asphyxie à l'occasion d'un épisode de stress et d'effort.

"Conclusions biaisées"

Mais les quatre professeurs choisis par la famille, dont deux spécialistes de ces maladies, leur répondent en dénonçant une conclusion "médicalement fausse car elle ne repose que sur des spéculations théoriques sans fondement scientifique, en l'état actuel des connaissances", selon le rapport que l'AFP a pu consulter.

Les médecins vont même jusqu'à accuser leurs confrères d'avoir rendu des "conclusions biaisées sur le plan intellectuel, voire de l'éthique médicale". Ils s'accordent néanmoins avec trois des quatre expertises précédentes pour attribuer le décès d'Adama Traoré à "un syndrome asphyxique aigu", tout en excluant qu'il résulte de son état de santé antérieur.

Ils invitent donc à "se poser la question de l'asphyxie positionnelle ou mécanique", ce qui tend vers une mise en cause de la technique d'interpellation des gendarmes. "Cette expertise démontre clairement que les gendarmes sont mis en cause dans la mort de mon frère", a réagi Assa Traoré, la soeur aînée du jeune homme. "Maintenant, on attend un procès".

Nouvelle audition ?

Ce nouveau rapport est arrivé au dossier à quelques jours de l'expiration du délai de trois mois depuis décembre offert aux parties pour faire des observations ou des demandes d'actes aux magistrats instructeurs, avant les réquisitions du parquet puis la décision finale des juges.

S'appuyant sur cette nouvelle analyse, l'avocat de la famille, Yassine Bouzrou, a réclamé lundi une nouvelle audition des trois gendarmes, dans l'espoir qu'ils soient mis en examen puis renvoyés devant une cour d'assises pour "violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner".

Fin novembre, tous trois étaient ressortis de leur interrogatoire avec un statut de témoin assisté, plus favorable que la mise en examen, signifiant qu'il ne leur est pas reproché directement une infraction.

Constatation tardive

Le 19 juillet 2016, la mort d'Adama Traoré avait été constatée près de deux heures après son arrestation dans sa ville de Beaumont-sur-Oise.

Interpellé une première fois par des gendarmes qui cherchaient son frère Bagui - impliqué dans une affaire d'extorsion avec violences-, le jeune homme avait pris la fuite. Une course-poursuite d'"environ 15 minutes" sous une forte chaleur s'en était suivie, avant qu'il ne soit retrouvé dans un appartement où il s'était caché, puis plaqué au sol et maintenu sous le poids des gendarmes.

Il avait ensuite eu un malaise dans leur véhicule avant de décéder dans la cour de la gendarmerie de la commune voisine de Persan.

Interpellation violente

Depuis le début de l'affaire, qui avait généré cinq nuits de violences dans ce département au nord de Paris, les proches d'Adama Traoré dénoncent sans relâche une interpellation violente, accusant aussi les gendarmes de ne pas avoir secouru le jeune homme, laissé menotté jusqu'à l'arrivée des pompiers.

Dès son démarrage, l'enquête a été marquée par un climat de défiance vis-à-vis des autorités, alimenté par l'annonce tardive du décès et la communication contestée du procureur de Pontoise à l'époque. Cinq mois après les faits, le dossier avait été dépaysé à Paris à la demande de la famille.

ats, afp

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