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La nouvelle loi sur les épidémies jugée "insuffisante" (étude)

L’assurance accidents peut intervenir si le Covid-19 est reconnu comme maladie professionnelle, notamment pour le personnel soignant, particulièrement exposé (archives). © KEYSTONE/TI-PRESS/Alessandro Crinari
L’assurance accidents peut intervenir si le Covid-19 est reconnu comme maladie professionnelle, notamment pour le personnel soignant, particulièrement exposé (archives). © KEYSTONE/TI-PRESS/Alessandro Crinari


Publié le 07.07.2020


La loi sur les épidémies est insuffisante pour permettre une solution juridiquement cohérente à une situation de pandémie, selon une étude. L’articulation avec la législation en matière d’assurances sociales est "tout sauf claire" et entraîne un "flou juridique".

La nouvelle loi sur les épidémies entrée en vigueur en 2016 permet d’adopter des mesures contraignantes pour les personnes, en principe sous l’autorité des médecins cantonaux, telles que la quarantaine, l’isolement, le dépistage ou le traitement, sans régler pour autant la question de leur prise en charge, indique l'Université de Genève (UNIGE) dans un communiqué.

La Confédération l’a déléguée aux cantons qui n’interviennent que si aucune autre source de financement n’est disponible. "Les différences entre les solutions cantonales ont révélé la pluralité des interprétations possibles, tout comme certains effets pervers", remarque Anne-Sylvie Dupont, professeure au Département de droit public de l’UNIGE et à la Faculté de droit de l’Université de Neuchâtel, citée dans le communiqué.

Trois assurances sociales

Dans le cas du Covid-19, trois assurances sociales sont concernées: l’assurance-maladie, l’assurance accidents et l’assurance militaire. La première ne couvre pas tous les frais, laissant à la charge de la personne assurée le paiement de sa franchise, une quote-part de 10% des coûts et 15 francs par jour pour les hospitalisations.

L’assurance accidents peut intervenir si le Covid-19 est reconnu comme maladie professionnelle. Avantage, elle prend en charge l’intégralité des coûts et compense également la perte de revenu.

La SUVA pose pour condition que "les collaborateurs exerçant l’activité professionnelle en question soient exposés à un risque bien plus élevé de contracter le coronavirus que le reste de la population" et semble donc réserver cette définition au personnel soignant.

Pour Anne-Sylvie Dupont, la reconnaissance devrait être plus large, et "englober l’entier du personnel des établissements de soins ainsi que les travailleurs exposés de par leur profession à de nombreux contacts avec des personnes dont ils ou elles ne connaissent pas l’état de santé, par exemple à la Poste ou dans les activités de vente, notamment en pharmacie".

Le casse-tête du dépistage

Depuis le 25 juin, le test de dépistage est gratuit, son coût est pris en charge par la Confédération. Mais auparavant, depuis le 4 mars, il figurait sur la liste des analyses établie par le Conseil fédéral et devait donc être remboursé par l’assurance-maladie.

Mais la personne assurée devait-elle participer aux frais? Tout dépend, selon l’Office fédéral de la santé publique (OFSP): oui au travers de la franchise ou de la quote-part si le test avait été prescrit par le médecin traitant, non s’il avait été prescrit par le médecin cantonal.

Cette position a induit "une inégalité de traitement entre les personnes qui doivent recourir au test", déplore Anne-Sylvie Dupont qui dénonce la mise en péril des objectifs de santé publique.

"Le fait de devoir en payer le prix a pu décourager la personne assurée de se soumettre au test de dépistage. Le risque qu’un individu porteur du virus ait ainsi échappé à la vigilance du système sanitaire s’en est trouvé augmenté", note la chercheuse.

Public et privé

Lorsqu’aux mois de février et mars, les cantons ont dû accroître rapidement leurs capacités hospitalières, ils ont eu recours à deux solutions distinctes: certains, comme Genève, ont modifié leurs listes hospitalières pour que des établissements privés puissent accueillir des malades du Covid-19.

D’autres, à l’instar de Vaud et Neuchâtel, ont au contraire concentré ces mêmes malades dans les établissements publics et délesté sur les établissements privés les personnes traitées pour d’autres raisons. Dans les deux cas, les solutions adoptées contreviennent aux règles de la loi sur l’assurance-maladie, sans qu’une base légale ne l’autorise.

D’autres cantons encore ont choisi de financer les séjours hospitaliers "Covid-19" via des prestations d’intérêt général. Dans ce cas, la personne assurée n’a rien à payer de sa poche. La liberté laissée aux cantons débouche ainsi sur une nouvelle inégalité de traitement.

Loi "insuffisante"

"Manifestement, la loi sur les épidémies est insuffisante pour permettre une solution juridiquement cohérente à une situation de pandémie", conclut Anne-Sylvie Dupont.

Selon elle, "les tests doivent être pris en charge par les pouvoirs publics exclusivement et, pour des raisons d’efficacité, il faudrait concentrer en des mains uniques les possibilités de coordonner la carte des structures de soins disponibles et le financement de ces soins". Ces travaux sont publiés dans la revue en ligne Jusletter.

ats

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