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La pop a perdu Scott Walker, son talent le plus énigmatique

Scott Walker pose en clown durant les années 60 (archives). © KEYSTONE/AP FLEMB/BRUCE FLEMING
Scott Walker pose en clown durant les années 60 (archives). © KEYSTONE/AP FLEMB/BRUCE FLEMING


Publié le 25.03.2019


Son génie mélodique avait rendu la pop majestueuse et a influencé plusieurs générations de musiciens rock, de David Bowie à Alex Turner en passant par Jarvis Cocker: le chanteur Scott Walker est décédé à l'âge de 76 ans.

"C'est avec une grande tristesse que nous annonçons le décès de Scott Walker", a tweeté lundi son label 4AD, sans préciser la date ni la cause du décès, décrivant l'artiste comme "l'un des innovateurs les plus admirés".

L'hommage est à la mesure du talent de ce musicien qui, les années passant, est devenu pour le grand public une référence assez lointaine de la pop 60's avec les Walker Brothers et leur tube "The Sun Ain't Gonna Shine (Anymore)". Il était cependant une légende pour ses fans, toujours pas remis de ses quatre premiers albums solo (la série des "Scott").

Il fut aussi une source inestimable d'inspiration pour de nombreux musiciens: David Bowie, Radiohead, Pulp, The Divine Comedy, R.E.M., Elvis Costello, Marc Almond, U2, The Last Shadow Puppets, sans oublier Alain Bashung parmi les Français.

Eveil californien

Si Londres restera pendant 50 ans sa ville de coeur et d'épanouissement musical, Noel Scott Engel est bien né américain, dans l'Ohio, le 9 janvier 1943.

C'est à Los Angeles qu'il s'éveille artistiquement à l'adolescence: le jazz de Bill Evans lui titille les oreilles, la Beat Generation le fait voyager, le cinéma européen le fascine, notamment celui d'Ingmar Bergman dont "Le 7e sceau" lui inspirera en 1969 "The Seventh Seal", sublime ouverture de son meilleur album "Scott 4".

Avant d'atteindre ce sommet, c'est avec les Walker Brothers, trio formé en Californie en 1964 (avec John Maus et Gary Leeds), qu'il se fait connaître, avec trois premiers albums dont la pop rivalise avec celle des Beatles. L'ascension est fulgurante, en particulier au Royaume-Uni où ils s'installent dès 1965.

Reprises de Brel

A partir de 1967, le chanteur à la voix grave et puissante qui emprunte, de son propre aveu, légèrement à Frank Sinatra, se lance en solo. Suivront quatre albums fondateurs, "Scott" "2", "3" et "4".

Sa musique, symphonique et baroque, vire grandiose. Il chante notamment "The Old Man's Back Again", sur l'invasion de la Tchécoslovaquie en 1968, et de nombreuses reprises de Jacques Brel, qu'il idolâtre et qu'il fera découvrir à David Bowie. Ce dernier reprendra d'ailleurs ses adaptations d'"Amsterdam" et "My Death", à l'époque de "Ziggy Stardust".

Les années 70 sont marquées par un léger déclin, malgré une reprise remarquable de Michel Legrand ("What Are You Doing The Rest Of Your Life ?") qu'on entend sur "Till the Band Comes in". Walker, qui fuyait déjà le succès derrière ses lunettes noires, devient un artiste de plus en plus énigmatique et reclus dans le sud londonien.

Au cours des années 80, 90, il reste toutefois créatif, sortant épisodiquement des albums qui témoignent de son orientation expérimentale et composant des musiques de films, comme celle de "Pola X" de Leos Carax.

"Une fissure dans l'univers"

Les années 2000 le voient sortir de la pénombre. Jarvis Cocker, en fan comblé, lui confie les manettes du dernier album de Pulp, "We Love Life", et il se fend de deux albums, "The Drift" et "Bish Bosch", encensés par la critique.

L'un des premiers à réagir à sa disparition est Marc Almond. "Enigmatique, mystérieux (...) Un absolu génie musical, existentiel et intellectuel. Nous avons perdu Bowie et maintenant lui. Il y a une fissure dans l'univers", a écrit l'ex-chanteur de Soft Cell sur Instagram.

ats, afp

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