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La relativité d'Einstein, "supercherie scénaristique" au cinéma

De nombreux cinéastes disent s'inspirer de la théorie de la relativité dans leur film, mais le plus souvent en la malmenant. Sur la photo, reconstitution d'une scène de "Retour vers le futur" de Robert Zemeckis. © CCO
De nombreux cinéastes disent s'inspirer de la théorie de la relativité dans leur film, mais le plus souvent en la malmenant. Sur la photo, reconstitution d'une scène de "Retour vers le futur" de Robert Zemeckis. © CCO


Publié le 12.08.2018


Véritable big bang scientifique dans le monde de la science, la théorie de la relativité d'Einstein est souvent utilisée au cinéma comme une simple "supercherie". Elle permet la plupart du temps de "mettre sous le tapis" des failles du scénario.

La théorie d'Einstein au cinéma ? "Il n'y a pas de bons et de mauvais élèves. Il n'y en a que de mauvais ou de très mauvais !", plaisante l'astrophysicien français Roland Lehoucq. Celui-ci est venu au Festival d'astronomie de Fleurance, dans le sud-ouest de la France, donner une conférence sur les rares réalisateurs qui s'en tirent bien.

"Dans l'imaginaire commun, on sait que la relativité parle plus ou moins de l'espace-temps et qu'on n'y comprend rien", décrypte le deuxième intervenant. Quentin Lazzarotto est responsable du département audiovisuel à l'Institut de recherches mathématiques Henri Poincaré, situé à Paris.

"Retour vers le futur"

Dans le célèbre "Retour vers le Futur" (1985), le réalisateur américain Robert Zemeckis utilise ainsi cette "excuse" pour expliquer le voyage vers le passé, avec la mythique voiture DeLorean lancée à grande vitesse. Mais la relativité ne permet pas de faire ça.

Publiée par Einstein en 1905, cette théorie a révolutionné la physique en expliquant notamment que les durées ne sont pas les mêmes selon l'état de mouvement du référentiel.

Un voyage en train, par exemple, aura une durée plus courte pour les passagers qui se meuvent à grande vitesse, que pour ceux qui les attendent, fixes, à l'arrivée.

Au quotidien, l'effet est cependant "complètement négligeable", explique Roland Lehoucq, car il faut atteindre un tiers de la vitesse de la lumière pour que cela soit sensible aux sens humains. C'est pourquoi la relativité est surtout présente dans les films spatiaux.

Employée "à mauvais escient"

Mais elle est souvent employée "à mauvais escient pour faire passer d'énormes supercheries scénaristiques", déplore son confrère Quentin Lazzarotto.

Le chercheur "ne compte plus" les films "absolument pas corrects physiquement" où on parle de "ralentir le temps" avec la relativité. Ou ceux dans lequel un personnage, censé mettre 400 ans terrestres pour atteindre une planète lointaine, y arrive jeune et fringant grâce à cette excuse.

Parler de relativité est plus compliqué au cinéma qu'en littérature. Cela nécessite un temps d'étude qui refroidit souvent les producteurs. En outre, les films "s'adressent à nos sens", qui sont "justement abusés par la relativité", alors que le livre fait appel à l'imagination.

"Interstellar" par exemple, est "impeccable": le film exploite bien le fameux paradoxe des jumeaux, lorsque le "père qui voyage dans l'espace devient plus 'jeune' que sa fille restée sur Terre", juge Roland Lehoucq.

De "2001" à "La planète des singes"

Au titre des élèves "pas trop mauvais", Quentin Lazzarotto cite "2001: L'odyssée de l'espace". Stanley Kubrick yexploite le potentiel philosophique de la relativité. "La planète des singes" (Franklin J. Schaffner, 1968) figure aussi en bonne position.

"Il y a des artistes pour qui la contrainte, comme celle de respecter la physique réelle, est créative", indique M. Lazzarotto. "Il faut se saisir des nouvelles théories physiques pour dire de nouvelles choses sur le monde".

ats, afp

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