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La "slow fashion" donne une nouvelle vie à la laine française

La laine locale retrouve ses lettres de noblesse grâce à des vêtements en fibres recyclées qui conquièrent les podiums parisiens (photo prétexte). © KEYSTONE/GIAN EHRENZELLER
La laine locale retrouve ses lettres de noblesse grâce à des vêtements en fibres recyclées qui conquièrent les podiums parisiens (photo prétexte). © KEYSTONE/GIAN EHRENZELLER


Publié le 22.03.2019


Laurent Brunas, basé dans la région de Castres en France, fabrique des pulls de pompiers ou l'uniforme des gardiens du Louvre. Il voit désormais ses vêtements en laine locale avec des fibres recyclées conquérir les podiums à Paris.

Julien Tuffery, tailleur de jean quatrième génération, vient lui de commercialiser "le premier jean au monde en laine". Il a choisi celle des brebis Lacaune, dont le lait est utilisé pour fabriquer le roquefort, et jusqu'à présent peu valorisée par la filière.

"Mon arrière-grand père travaillait il y a 125 ans avec des matières locales, il est normal de revenir au bon sens, à la slow fashion", explique-t-il.

L'Occitanie, notamment la région castraise, a longtemps vécu en partie grâce au travail de la laine. Voisine de Castres, Mazamet a détenu entre 1870 et les années 1960 le monopole mondial du délainage, c'est-à-dire le traitement des peaux de mouton pour séparer la laine du cuir. La Nouvelle-Zélande, l'Australie et l'Argentine y envoyaient leurs peaux, raconte l'historien Aimé Balssa, président de la société culturelle du pays castrais.

Il n'en reste plus grand-chose après les crises économiques et l'arrivée de la concurrence. Mais quelques petites entreprises familiales se sont accrochées.

"Je pense que le pire est derrière nous, aujourd'hui il y a toute une communauté qui s'intéresse à de la fabrication française. Elle veut savoir comment sont faits les produits, par qui, et qui cherche les produits durables", explique à l'AFP Laurent Brunas, patron de la Manufacture Regain à Labruguière fondée il y a 40 ans.

Sollicité par la haute couture

Spécialisé en uniformes, il est sollicité depuis trois ans par des créateurs comme Simon Porte Jacquemus, star montante de la mode ou Julien Fournier, pour des collections haute couture.

Ils cherchent la qualité, l'origine France garantie et des matières recyclées et recyclables. "Je suis scotché face à cette génération des millennials parce qu'à leur âge je ne me suis pas posé toutes ces questions", ajoute-t-il.

Même constat chez Fabrice Lodetti, directeur des Filatures du Parc, une entreprise familiale installée depuis 1976 à Brassac, qui a dépensé un million d'euros pour un système qui permet d'obtenir un fil recyclé de haute qualité. Depuis trois ans cela "tire vers le haut" son chiffre d'affaires.

Des vêtements usés sont découpés, libérés de boutons et d'étiquettes, triés par coloris et matières. Ils sont ensuite défibrés et transformés en une matière première prête à être à nouveau filée.

Les marques de grande distribution - Célio, Bonobo, Zara- utilisent de telles fibres. Cette technique a permis à Laurent Brunas de recycler des vieilles vestes des employés de la RATP en nouveaux uniformes.

"La laine ne rapporte rien"

"On a remis le recyclage au goût du jour. On n'a pas été élevé avec ça, on voyait le déchet en terme péjoratif. On assiste à une progression fulgurante, pour les jeunes c'est naturel", dit-il.

Cinquante marques ont décidé d'utiliser de la laine française dans le cadre du projet Tricolor. Il a été lancé par le salon Première vision consacré à l'industrie de la mode, qui veut promouvoir la laine transformée en France.

"Plus de 80% de la laine produite en France est exportée vers l'Asie non traitée alors que la laine importée pour la mode vient de très loin", souligne Pascal Gautrand, consultant de Première vision.

Non transformée, la laine ne rapporte pas grand chose, raconte à l'AFP Lionel Plo, éleveur, qui doit tondre et "faire les ongles" à ses 500 brebis une fois par an. "Les tondeurs me coûtent 1,4 euro par brebis, les 'attrapeurs', qui saisissent et maintiennent l'animal, 90 centimes. Et on m'achète la laine 60 centimes le kilo".

Julien Tuffery fait de même. Il reverse aux éleveurs locaux 10% du produit de chaque jean en laine mélangée, vendu 220 euros.

Une tendance que certains acteurs locaux tentent de renverser comme Eric Carlier, fondateur de l'atelier Le Passe-Trame. Il a sélectionné sept races de brebis locales pour des tissages déclinés de teintes 100% naturelles, avec lesquels on confectionne des écharpes plaids éco-responsables.

ats, afp

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