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La Suisse a une carte à jouer dans l'internet des objets

Pour l'heure, les sociétés suisses ne sont pas très fortes dans l'exploitation et la valorisation de données, contrairement à des firmes comme Airbnb (archives). © KEYSTONE/CHRISTIAN BEUTLER
Pour l'heure, les sociétés suisses ne sont pas très fortes dans l'exploitation et la valorisation de données, contrairement à des firmes comme Airbnb (archives). © KEYSTONE/CHRISTIAN BEUTLER


Publié le 09.03.2018


L'internet des objets va connaître une croissance fulgurante, selon des experts conviés par l'Université de Neuchâtel. La Suisse a une carte à jouer, si elle arrive notamment à redonner plus de valeur aux composants swiss made.

"Plus de 5 millions de nouveaux objets sont connectés chaque jour au niveau mondial", a rappelé vendredi Sandy Wetzel, directeur du parc technologique neuchâtelois Neode, à l'occasion de la 9e Journée des start-up, des PME et de l'innovation. D'ici à 2025, 50 à 150 milliards d'objets seront connectés sur la planète.

"Le phénomène va bouleverser très concrètement nos vies", estime Sandy Wetzel. De nouveaux produits et services vont voir le jour, et les entreprises vont devoir revoir leur organisation, leur fonctionnement et leurs moyens de production. Bien intégré, l'internet des objets peut notamment permettre à l'industrie de mieux gérer ses stocks et sa logistique.

En parallèle, l'infrastructure mondiale est appelée à se développer, au niveau du réseau, des serveurs et des satellites, ajoute Sandy Wetzel.

La sécurité, un problème

De nombreux défis demeurent, estime Philippe Grize, directeur HE-Arc Ingénierie de Neuchâtel. Toute la chaîne de l'internet des objets exige de la sécurité, des protocoles standardisés, d'être modifiable à bas coût et d'être évolutive pour suivre la croissance. Et un besoin en énergie exponentiel.

Concernant la sécurité, Sandy Wetzel rappelle le cas de la poupée connectée Cayla, qualifiée de dispositif d'espionnage dissimulé, et qui a été retirée de la vente en Allemagne notamment. "Le problème est de savoir quelles données on veut générer. Souvent, il y aurait beaucoup de choses à supprimer".

L'Arc jurassien a des cartes à jouer dans l'internet des objets, notamment grâce à ses compétences dans l'ultra-basse consommation d'énergie et la miniaturisation, observe Philippe Fischer, directeur de la Fondation suisse pour la recherche en microtechnique.

Des données qui valent de l'or

Le gros bémol est que l'industrie suisse possède des compétences fortes dans le hardware (fabrication de capteurs par exemple). Elle est par contre beaucoup moins développée dans le software (logiciels d'analyse de données).

Si le potentiel du marché de l'internet des objets représente une valeur de 6000 à 15'000 milliards de dollars (5700 à 14'300 milliards de francs), la création de valeur liée à l'exploitation des données ne se fait pas en Suisse, constate Philippe Grize.

Les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) sont américains. Tout comme de nouveaux acteurs de l'internet des services (Uber, Airbnb) qui peuvent faire changer les habitudes des consommateurs et "fracasser les lois", ajoute Philippe Grize.

Neutralité et fiabilité

Ancien directeur de la promotion économique neuchâteloise, Alain Barbal renchérit en expliquant que 80 à 90% de la valeur d'un produit connecté se fait dans le software. Et que c'est dans ce domaine que se fait l'argent.

Selon lui, la Suisse possède des ingénieurs et des fabricants talentueux dans les systèmes compliqués et dans les micro-systèmes, mais va devoir sortir de ses compétences de base (hardware) pour ne pas qu'elles deviennent à l'avenir son tombeau.

Sandy Wetzel a des pistes pour s'en sortir: donner plus de valeur aux composants hardware en s'adjoignant de nouvelles compétences qui permettront d'offrir des solutions plus intégrées. La Suisse, réputée pour sa fiabilité, sécurité et neutralité, pourrait aussi se positionner dans l'hébergement de centre de données.

Alexis Roussel, cofondateur et CEO de Bity.com, société neuchâteloise de courtage de bitcoins, va dans le même sens. Les blockchains (livre de compte où sont enregistrées les transactions faites en crypto-monnaies), qui fonctionnent sur la base d'un réseau distribué, ont besoin d'une garantie d'indépendance.

Autre avantage: la Suisse est plus ouverte aux blockchains que d'autres pays. Aux Etats-Unis, les start-up actives dans les crypto-monnaies n'arrivent pas à se développer, car il leur faut l'autorisation de chaque Etat américain, des procédures longues et coûteuses.

ats

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