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La Suisse est aussi concernée par la traite des êtres humains

Les lunettes roses sont l’emblème de la campagne de sensibilisation sur la traite des êtres humains lancée il y a un an. Elles symbolisent à la fois la « vie en rose » promise aux victimes et l’appel à la population à ne pas se laisser aveugler. © OIM
Les lunettes roses sont l’emblème de la campagne de sensibilisation sur la traite des êtres humains lancée il y a un an. Elles symbolisent à la fois la « vie en rose » promise aux victimes et l’appel à la population à ne pas se laisser aveugler. © OIM


Publié le 17.10.2018


La Suisse n'est pas épargnée par la traite des êtres humains. Afin de sensibiliser la population à ce phénomène, un bus d'information parcourt le pays depuis un an.

Inauguré à Berne le 18 octobre 2017 à l'occasion de la journée européenne de lutte contre la traite des êtres humains, l'exposition itinérante a, depuis, fait halte dans près d'une trentaine de villes de Suisse. Elle se trouve à Genève jusqu'à jeudi, puis terminera son périple par un retour dans la capitale du 29 novembre au 1er décembre.

Cette campagne de sensibilisation est mise en œuvre conjointement par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et la Fondation neuchâteloise pour la coordination de l’action sociale (FAS). Elle bénéficie du soutien, notamment financier, de plusieurs partenaires dont la Confédération.

Chaque année en Suisse, environ 250 victimes sont prises en charge par les associations d'aide. Et ce chiffre ne représente qu'une petite partie des victimes effectives. Malgré cela, les Suisses ont souvent l'impression que la traite n'existe pas chez eux.

Phénomène multiforme

Pour Fabienne Reber, coordinatrice du projet à l'OIM Berne, cela s'explique principalement par le fait que la traite est un phénomène qui se déroule dans la clandestinité. "Il n'est par définition pas visible", relève-t-elle.

Et d'ajouter que les gens en ont souvent une fausse image. "Ils ont l'impression que ce sont des femmes dans une cave avec des chaînes". En réalité, la traite des êtres humains est un phénomène qui prend diverses formes.

Il peut s’agir d’exploitation sexuelle, mais aussi d’exploitation de la force de travail ou de prélèvement d'organes, détaille Mme Reber. En Suisse, il y a par exemple des cas dans la construction, la restauration, les soins à la personne. Des victimes d’exploitation sexuelle et de la force de travail ont été identifiées en Suisse.

Et la Bernoise de mentionner un cas qui l'a marquée. Il s'agit d’une femme d'origine hongroise dont le mari a kidnappé leur enfant et l’a utilisé comme levier pour la forcer à se prostituer.

"Il lui a dit qu’elle ne pourrait revoir l'enfant que lorsqu’elle lui aurait donné 43'000 francs. Elle devait lui remettre 300 francs par jour. Si elle ne parvenait pas à réunir la somme, elle était battue ou violée, par son mari ou un de ses amis. C’est tellement violent. Elle était amoureuse, et lui a utilisé leur enfant", raconte-t-elle.

Des Suissesses aussi victimes

A l'instar de cette femme, une bonne partie des personnes exploitées sexuellement sont des migrantes vulnérables, dont la majorité vient des pays de l'Est, principalement de Roumanie, Bulgarie et Hongrie. Mais il arrive aussi que des Suissesse fassent partie des victimes, notamment à cause du phénomène des "lover boys", souligne Fabienne Reber.

Les "lover boys" sont de jeunes hommes qui font croire à des jeunes filles entre 13 et 20 ans qu'ils sont follement amoureux et veulent construire leur vie avec elle. Un problème toutefois, ils ont des dettes. Ils disent alors à la fille qu'elle peut les aider à les éponger en couchant avec quelqu'un d'autre.

"Souvent, elles sont tellement amoureuses qu'elles acceptent. Mais après la première fois, vient une seconde puis une troisième et elles finissent par se prostituer par amour", explique Fabienne Reber. Depuis 2017, 17 cas ont été signalés à la ligne d'appel nationale, gérée par l'association Act212.

Augmenter le nombre de victimes détectées

Les citoyens peuvent s'adresser à cette dernière, par téléphone ou via un formulaire sur internet, s'ils soupçonnent un cas de traite. Les cas suspects peuvent également être annoncés à la police ou à d'autres organismes spécialisés, par exemple les centres cantonaux pour l'aide aux victimes LAVI.

"Le but de l'exposition est aussi que le public puisse dénoncer les cas suspects et ainsi que le taux de victimes identifiées augmente", précise Fabienne Reber. Et d'ajouter qu'il est pour l'instant trop tôt pour dire si un effet s'est fait sentir. "Il faudra attendre l'année prochaine et voir s'il y aura plus de cas identifiés".

Il sera toutefois difficile de déterminer quelle part est due au bus d'information ou aux autres mesures, prévient-elle. "Pour l'instant, le nombre de visiteurs - en moyenne 140 par jour - constitue la seule mesure du succès du projet", conclut-elle.

ats

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