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Le héros de "Hotel Rwanda" condamné à 25 ans pour "terrorisme"

Paul Rusesabagina, ancien hôtelier dont l'histoire a inspiré le film "Hotel Rwanda" et devenu un féroce critique du président Paul Kagame, a été condamné lundi à 25 ans de prison pour "terrorisme" (archives). © KEYSTONE/AP FRESNO BEE/TOMAS OVALLE
Paul Rusesabagina, ancien hôtelier dont l'histoire a inspiré le film "Hotel Rwanda" et devenu un féroce critique du président Paul Kagame, a été condamné lundi à 25 ans de prison pour "terrorisme" (archives). © KEYSTONE/AP FRESNO BEE/TOMAS OVALLE
Paul Rusesabagina, ancien hôtelier dont l'histoire a inspiré le film "Hotel Rwanda" et devenu un féroce critique du président Paul Kagame, a été condamné lundi à 25 ans de prison pour "terrorisme" (archives). © KEYSTONE/AP FRESNO BEE/TOMAS OVALLE
Paul Rusesabagina, ancien hôtelier dont l'histoire a inspiré le film "Hotel Rwanda" et devenu un féroce critique du président Paul Kagame, a été condamné lundi à 25 ans de prison pour "terrorisme" (archives). © KEYSTONE/AP FRESNO BEE/TOMAS OVALLE


Publié le 20.09.2021


Paul Rusesabagina, ancien hôtelier dont l'histoire a inspiré le film "Hotel Rwanda" et devenu un féroce critique du président Paul Kagame, a été condamné lundi à 25 ans de prison pour "terrorisme". Ses soutiens ont qualifié le procès de "politique".

L'ancien directeur de l'Hôtel des Mille Collines à Kigali, connu pour avoir permis le sauvetage de plus d'un millier de personnes durant le génocide de 1994, a été reconnu coupable "d'avoir fondé et d'appartenir" au Front de libération nationale (FLN), groupe rebelle accusé d'avoir mené des attaques meurtrières au Rwanda en 2018 et 2019.

La prison à vie avait été requise contre lui mais le tribunal a décidé "de réduire sa peine à 25 ans", a déclaré la juge Beatrice Mukamurenzi, soulignant que M. Rusesabagina "a reconnu certains des crimes et s'en est excusé" et qu'il s'agit de sa première condamnation.

Il s'agit de la peine la plus lourde prononcée lors de ce procès. Les 20 autres accusés ont écopé de peines allant de 3 à 20 ans.

Ni Rusesabagina, qui a 30 jours pour faire appel, ni ses avocats n'étaient présents à la lecture du verdict. Ils ont boycotté les audiences depuis mars, dénonçant un procès "politique" rendu possible par son "enlèvement" organisé par les autorités rwandaises, ainsi que des mauvais traitements en détention.

Sa fille adoptive Carine Kanimba a déploré auprès de l'AFP un verdict "décidé" par le président Paul Kagame, qu'elle accuse d'avoir "kidnappé" son père pour l'amener à Kigali.

La Belgique, dont Paul Rusesabagina est ressortissant et où il vivait en exil, a estimé qu'il n'a "pas bénéficié d'un procès juste et équitable".

Les Etats-Unis, qui lui ont décerné la médaille présidentielle de la liberté en 2005, se sont dit "préoccupés" par cette condamnation. "L'absence de garanties d'un procès juste remet en cause l'équité du verdict", a indiqué le porte-parole de la diplomatie américaine, Ned Price.

Pour la porte-parole du gouvernement rwandais, Yolande Makolo, "justice a été rendue" et "les Rwandais se sentent plus en sécurité", a-t-elle estimé sur Twitter.

Témoignages contradictoires

Paul Rusesabagina, 67 ans, a été rendu célèbre par le film "Hotel Rwanda" sorti en 2004, qui a raconté comment ce Hutu modéré a sauvé plus de 1.000 personnes réfugiées dans son établissement durant le génocide de 1994 qui a fait 800.000 morts, principalement des Tutsi.

Il est aussi un des plus virulents opposants à Paul Kagame, et a utilisé sa notoriété hollywoodienne pour donner un écho mondial à ses positions contre le régime.

Arrêté dans des conditions controversées à Kigali en août 2020, il a été jugé de février à juillet pour neuf chefs d'accusation, dont celui de "terrorisme", pour des attaques menées par le FLN, organisation classée terroriste par Kigali, qui ont fait neuf morts en 2018 et 2019.

Paul Rusesabagina a admis avoir participé à la fondation en 2017 du Mouvement rwandais pour le changement démocratique (MRCD), dont le FLN est considéré comme le bras armé, mais il a toujours nié toute implication dans les attaques.

Les cinq mois d'audience ont vu des témoignages contradictoires sur son rôle.

Un porte-parole du FLN a déclaré qu'il n'avait "pas donné d'ordres aux combattants du FLN". Un autre coaccusé a, lui, affirmé que tous les ordres venaient de lui.

"Condamnation à mort"

Sa famille et ses soutiens n'ont cessé de dénoncer ces derniers mois "un spectacle mis en place par le gouvernement rwandais pour faire taire un critique et refroidir toute dissidence future".

Les Etats-Unis, qui lui ont décerné la médaille présidentielle de la liberté en 2005, et le Parlement européen avaient également exprimé leurs préoccupations sur les conditions de son arrestation et l'équité du procès.

Dans une interview début septembre, Paul Kagame avait assuré que Rusesabagina serait "jugé aussi équitablement que possible".

Amnesty International a dénoncé dans un communiqué lundi de nombreuses "violations" de ses droits, dont son arrestation "sous de faux prétextes", "son transfert illégal au Rwanda", "sa disparition forcée et sa détention au secret", alors que la Fondation Clooney a estimé que "compte tenu de l'âge et de la mauvaise santé de M. Rusesabagina, cette peine sévère est susceptible d'être une condamnation à mort".

Paul Rusesabagina est depuis plus de 20 ans un féroce opposant à Paul Kagame, qu'il accuse d'autoritarisme et d'alimenter un sentiment anti-Hutu.

Il vivait depuis 1996 en exil aux Etats-Unis et en Belgique, avant d'être arrêté à Kigali en 2020 dans des circonstances troubles, à la descente d'un avion qu'il pensait à destination du Burundi.

Le gouvernement rwandais a admis avoir "facilité le voyage" vers Kigali, mais affirmé que l'arrestation était "légale" et que "ses droits n'ont jamais été violés".

ats, afp

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