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Le National accepte d'inscrire le phénotypage dans la loi

Les recherches sur les profils ADN d'un suspect pourront être approfondies grâce à la nouvelle loi débattue par le Conseil national (photo d'illustration). © KEYSTONE/GAETAN BALLY
Les recherches sur les profils ADN d'un suspect pourront être approfondies grâce à la nouvelle loi débattue par le Conseil national (photo d'illustration). © KEYSTONE/GAETAN BALLY
Les recherches sur les profils ADN d'un suspect pourront être approfondies grâce à la nouvelle loi débattue par le Conseil national (photo d'illustration). © KEYSTONE/GAETAN BALLY
Les recherches sur les profils ADN d'un suspect pourront être approfondies grâce à la nouvelle loi débattue par le Conseil national (photo d'illustration). © KEYSTONE/GAETAN BALLY


Publié le 04.05.2021


Les policiers doivent pouvoir recourir aux avancées scientifiques de profilage lors de certaines enquêtes. Le National a accepté mardi, par 125 voix contre 54 et 12 abstentions, d'inscrire le phénotypage dans la loi sur les profils ADN. Verts et PS n'en ont pas voulu.

Actuellement, les enquêteurs peuvent comparer les relevés de la scène de crime avec celles des suspects, mais seul le sexe de l'auteur d'une trace peut être déterminé à travers l'ADN. Le phénotypage ouvre la voie à des informations supplémentaires: la couleur des yeux, des cheveux et de la peau, l'origine et l'âge.

La loi sur les profils ADN date de 2005. Depuis, la science a fait des progrès considérables, a expliqué Jacqueline de Quattro (PLR/VD) au nom de la commission. Ces avancées aideront à élucider des crimes graves et donneront une nouvelle direction à une enquête qui piétine.

Au moyen du phénotypage, la police arrivera à réduire le cercle des suspects et à enquêter de manière plus ciblée. La nouvelle législation répond à une motion déposée après le viol d'une jeune femme à Emmen (LU) en 2015. Le crime n'a jamais été élucidé malgré l'analyse de 400 échantillons ADN.

Réticences à gauche

La nécessité d'adapter la loi n'a pas été contestée. La gauche s'est néanmoins montrée réticente sur le contenu, prévenant au cours du débat qu'elle ne soutiendra pas le projet sans modification majeure. Ses craintes: une utilisation disproportionnée du phénotypage et le risque d'atteinte aux droits fondamentaux.

La nouvelle loi contient des garde-fous, a répondu Jacqueline de Quattro. Le phénotypage ne pourra être utilisé que pour élucider des crimes graves passibles d'au moins trois ans de privation de liberté. "Nous parlons de viols, de rapts ou d'assassinats".

La technique ne sera pas utilisée pour des délits comme les dommages à la propriété. Elle ne concernera que des affaires précises en cours et devra être ordonnée par le ministère public. Les résultats ne seront pas enregistrés dans la banque de données fondée sur les profils d'ADN.

Discriminations redoutées

Ces mesures sont insuffisantes aux yeux des Verts qui redoutent un profilage racial et des discriminations. D'autant plus que le procédé ne se base que sur des probabilités, a estimé Fabien Fivaz (Verts/NE). Ce projet étend le pouvoir des forces de l'ordre et restreint les droits et les libertés, à l'instar de la loi sur les mesures policières, a renchéri Marionna Schlatter (Verts/ZH).

Pour le PS aussi, des critères éthiques et précis sont nécessaires. Le phénotypage ne doit pas devenir la routine, mais n'être utilisé que dans des cas graves, a estimé Pierre-Alain Fridez (PS/JU). Il faut surtout éviter d'incriminer une personne faisant partie d'une communauté et jeter l'opprobre sur cette dernière.

Une proposition de Franziska Roth (PS/SO) pour supprimer l'origine biogéographique du catalogue des profils a été rejetée. Les cinq caractéristiques du phénotypage sont indissociables, a argumenté Jacqueline de Quattro. Elles sont plus objectives que la déclaration d'un témoin.

Accélérer les enquêtes

"Ce ne sont pas des communautés entières qui seront mises en cause", a précisé Maja Riniker (PLR/AG). Le procédé permettra de limiter le nombre de personnes concernées, a abondé Ida Glanzmann (Centre/LU). Les profils ADN font condamner les coupables et disculpent les innocents, a ajouté Andrea Geissbühler (UDC/BE).

Associer cette loi avec celle sur les mesures policières est un raccourci inutile, a pointé François Pointet (PVL/VD). On ne peut pas se priver d'outils qui rendent les enquêtes plus efficaces.

Le phénotypage n'est pas un instrument magique, a reconnu la ministre de la justice Karin Keller-Sutter. Il ne sera jamais le premier moyen auquel les enquêteurs recourront et arrivera en complément. Le procédé a fait ses preuves dans de nombreux pays comme les Pays-Bas.

Compétences

Contre l'avis de sa commission, le National a accordé au Conseil fédéral la compétence de définir, en fonction des avancées techniques, des caractéristiques morphologiques supplémentaires.

La recherche en parentèle sera par ailleurs formellement réglée dans la loi. Si la comparaison dans la banque de données n'aboutit pas, il sera possible d'étendre la recherche au cercle familial. Une décision du Tribunal pénal fédéral permet déjà cette pratique depuis 2015. La gauche aurait voulu la conditionner à une expertise indépendante.

Le National a encore ajouté une disposition pour que les échantillons prélevés lors d'enquêtes de grande envergure soient détruits après la clôture de l'enquête. Les délais d'effacement des données seront fixés dans les jugements. Le prélèvement d'échantillons ADN en cas de décès dû à un suicide devrait être autorisé.

L'objet passe au Conseil des Etats.

ats

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