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Le National se penche sur l'élection des juges fédéraux

L'élection des juges fédéraux sera débattue au National (archives). © KEYSTONE/LAURENT GILLIERON
L'élection des juges fédéraux sera débattue au National (archives). © KEYSTONE/LAURENT GILLIERON
Premier examen de l'initiative sur la justice au National (archives). © KEYSTONE/LAURENT GILLIERON
Premier examen de l'initiative sur la justice au National (archives). © KEYSTONE/LAURENT GILLIERON


Publié le 03.03.2021


L'élection des juges fédéraux a occupé une place de choix mercredi au Conseil national. Les députés ont entamé l'examen de l'initiative sur la justice. Aucune décision n'a été prise. Mais le texte a peu de chances d'être soutenu.

Déposée par l'entrepreneur Adrian Gasser, l'initiative "Désignation des juges fédéraux par tirage au sort" entend rendre les juges plus indépendants. Les candidats doivent pouvoir accéder à ces hautes fonctions grâce à leurs seules qualifications, même s'ils n'ont pas de réseau politique, selon le texte. Ils doivent être sélectionnés par une commission d'experts.

Le tirage au sort serait organisé de façon à ce que les langues officielles soient équitablement représentées. Et les juges pourraient exercer cinq ans au-delà de l’âge ordinaire de la retraite.

"Insolite" pour une démocratie

Le texte n'a récolté aucun soutien. Tous les partis s'y sont opposés. "L'initiative part du postulat erroné que les juges ne sont ni neutres ni indépendants. Rien n'indique que ces soupçons sont fondés", a relevé Vincent Maître (PDC/GE) au nom de la commission.

"Le système actuel fonctionne bien", a poursuivi le Genevois. "L'élection des juges garantit leur légitimité." Elle est équilibrée, juste et permet de garantir la répartition en matière de provenance régionale, linguistique, de genre et de valeurs politiques. La société en est ainsi bien représentée.

"Une élection par tirage au sort est pour le moins insolite", a encore jugé le rapporteur de commission, estimant que l'initiative n'apportait aucune plus-value. "Les lois du hasard ne peuvent remplacer celles de la démocratie. Les tribunaux fédéraux ne sont pas des casinos, et les juges ne sont pas des chevaux de course, sur lesquels on pourrait miser."

Problème de représentativité

De plus, la commission d'experts n'est elle-même pas apolitique. Elle sera désignée par le Conseil fédéral qui est au moins aussi politisé que l'Assemblée fédérale, ont pointé plusieurs orateurs.

Samuel Bendahan (PS/VD) a également dénoncé un problème statistique du tirage au sort, tel que prévu par l'initiative. "Si les juges étaient choisis aléatoirement directement au sein de la population, la probabilité serait élevée que la sélection soit représentative."

Effectuer une pré-sélection restreint grandement cette représentativité, a poursuivi le Vaudois. Si plus de personnes de gauche étudient le droit - et sont donc sélectionnées par la commission d'experts pour participer au tirage au sort - le tribunal sera biaisé à gauche. "C'est inacceptable."

Pressions politiques inadmissibles

D'aucuns ont toutefois reconnu que l'initiative pointe des problèmes importants du système actuel. "Il permet des pressions politiques inadmissibles", a illustré Baptiste Hurni (PS/NE).

Et le Neuchatelois de donner l'exemple de la réélection du juge Yves Donzallaz (UDC). Son parti lui reprochait d'avoir rendu plusieurs verdicts contraires à sa ligne et avait menacé de ne pas le reconduire. "L'UDC a lancé un message à tous les autres juges de son parti: Soyez au garde-à-vous des instructions de l'UDC ou risquez notre courroux."

Le parti conservateur n'est toutefois pas parvenu à ses fins. Plusieurs députés ont ainsi souligné la résilience de l'actuel système. "L'élection à vie, ou presque, pose aussi des problèmes. Elle ne garantit pas une meilleure indépendance et pourrait même déresponsabiliser certains", a encore souligné Damien Cottier (PLR/NE) .

Mandat unique et révocation

Certains députés proposent de renvoyer le texte en commission afin qu'elle élabore un contre-projet. La gauche et les Vert'libéraux suggèrent même deux contre-projets directs.

Le premier se concentre sur la révocation des juges fédéraux. Deux raisons pourraient y aboutir: une violation grave des devoirs de fonction de manière intentionnelle ou par négligence grave, ou une perte de capacité durable d'exercer la fonction.

Le second texte prévoit les mêmes mesures et impose un mandat unique de douze ans. Les élus pourraient en outre travailler au plus tard jusqu'à 68 ans. Les juges en fonction le resteraient pour une période unique de douze ans. L'indépendance des juges, sous pression lors des réélections, ne serait ainsi plus en danger, a argumenté Sibel Arslan (Verts/BS).

Pas de changement immédiat

Les trois propositions ont peu de chances de passer la rampe. Une grande partie du camp bourgeois refuse toute action immédiate.

"Aucun changement radical n'est nécessaire", a assuré Christoph Eymann (PLR/BS). "On ne change pas un système qui marche", a abondé Christian Lüscher (PLR/GE). Pour Pirmin Schwander (UDC/SZ), les solutions sur la table ne sont pas satisfaisantes. Philipp Matthias Bregy (PDC/VS) a lui refusé toute précipitation.

Les débats se poursuivront mardi prochain.

ats

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