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Le Tribunal fédéral ne devrait plus dicter les systèmes électoraux

Les cantons ne connaissent pas tous le même système électoral pour désigner leurs autorités. Le Tribunal fédéral entend toutefois poser des règles à respecter dans tout le pays. Ce qui suscite des levées de boucliers (archives). © KEYSTONE/SALVATORE DI NOLFI
Les cantons ne connaissent pas tous le même système électoral pour désigner leurs autorités. Le Tribunal fédéral entend toutefois poser des règles à respecter dans tout le pays. Ce qui suscite des levées de boucliers (archives). © KEYSTONE/SALVATORE DI NOLFI


Publié le 15.03.2018


Les cantons devraient être libres de choisir leur système électoral. Le Conseil des Etats a adopté jeudi par 26 voix contre 15 un projet d'article constitutionnel. Le National doit se prononcer. Si le Parlement donne finalement son aval, le peuple tranchera.

La partie n'est pas jouée. Lors de la consultation, le PLR, le PS, les Verts, le PVL et le PEV ont refusé de modifier la constitution. En revanche, 17 des 26 cantons ont soutenu l'idée d'un nouvel article constitutionnel. Et treize (BE, LU, UR, SZ, OW, ZG, SO, AR, AI, GR, AG, TI, VS) se rangent derrière le texte adopté.

Jurisprudence contestée

Le projet vise à mettre en oeuvre deux initiatives uranaise et zougoise. Il répond au développement récent de la jurisprudence du Tribunal fédéral concernant les modes de scrutin utilisés par les cantons pour les élections et le découpage de leur territoire en circonscriptions.

Partant du principe que les voix de tous les électeurs doivent contribuer dans une même mesure au résultat d'un scrutin, les juges estiment qu'un quorum de 10% ne doit pas être dépassé. Concrètement, dans chaque circonscription électorale, il doit y avoir au moins neuf sièges à attribuer.

A défaut, il faut regrouper des circonscriptions ou recourir à une répartition bi-proportionnelle, par exemple la méthode dite du double Pukelsheim utilisée à Zurich ou en Argovie. Le canton du Valais a ainsi dû revoir son système de répartition des sièges au Grand Conseil.

Le Tribunal fédéral a été plus loin en se penchant sur le cas d'Uri. Il a estimé que le système majoritaire n’était acceptable qu’à certaines conditions: lorsque l’autonomie des communes formant les circonscriptions est particulièrement élevée, lorsque les communes connaissant le système majoritaire comptent très peu d’habitants et lorsque les partis politiques n’occupent pas une place très importante.

Décision politique

Cette jurisprudence avait conduit l'Assemblée fédérale à refuser la garantie fédérale aux règles schwyzoises d'élection au Grand Conseil. Le National avait alors fait pencher la balance. La question reste toutefois controversée et la grogne monte dans certains cantons. Selon la majorité du Conseil des Etats, la décision doit être prise au niveau politique.

La souveraineté des cantons doit être respectée. En imposant des procédures opaques de répartition des mandats et en menaçant de sanctions un canton, les juges ne contribuent pas à la légitimation démocratique. En fin de compte, il faut aussi que la majorité de la population accepte, et surtout comprenne, la procédure en vigueur.

Robert Cramer (Verts/GE) a remis en cause la légitimité de légiférer. Seuls deux partis soutiennent une telle démarche, l'UDC et le PDC. Et l'essentiel des cantons qui soutiennent le projet sont alpins. Il faut éviter un affrontement avec les cantons de plaine.

Il n'appartient en outre pas au Parlement d'envoyer des signaux au Tribunal fédéral, a ajouté le Genevois, en plaidant la séparation des pouvoirs. Selon lui, le nouvel article ouvre la porte à des inégalités de traitement crasses entre citoyens. On veut les empêcher de faire valoir leurs droits, a lancé Hans Stöckli (PS/BE).

Nouvel article

Le nouvel article veut passer outre le Tribunal fédéral. Il précise que les cantons restent libres de déterminer le mode d'élection de leurs autorités, qui peut être majoritaire, proportionnel ou mixte. Ils sont libres d’établir leurs circonscriptions électorales et d’adopter des règles électorales particulières.

Par exemple pour protéger les minorités régionales. Le siège garanti aux francophones au gouvernement bernois ou l'impossibilité d'avoir plus d'un conseiller d'Etat par district en Valais en sont des exemples. Selon la commission préparatoire, les cantons ne pourraient toutefois pas déroger à des principes fondamentaux, notamment en privant les femmes du droit de vote.

Statu quo

Seize sénateurs auraient préféré ancrer la pratique actuelle. La jurisprudence du Tribunal fédéral serait considérée comme acquise mais elle ne pourrait pas se développer au détriment de la souveraineté cantonale.

Les cantons pourraient se doter d’un mode d’élection majoritaire, proportionnel ou mixte. Lors de la définition des circonscriptions électorales, il leur serait possible de tenir compte de spécificités historiques, fédéralistes, régionales, culturelles, linguistiques, ethniques ou religieuses.

Défendue par Raphaël Comte (PLR/NE), cette solution a été présentée comme un compromis. Les cantons étant divisés, il faudrait devoir appeler une nouvelle fois Nicolas de Flüe, selon lui.

ats

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