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Législatives en Thaïlande: la junte bien partie pour garder le pouvoir

Des partisans de l'opposition laissent éclater leur joie en suivant l'annonce des résultats des élections de dimanche. © KEYSTONE/AP/SAKCHAI LALIT
Des partisans de l'opposition laissent éclater leur joie en suivant l'annonce des résultats des élections de dimanche. © KEYSTONE/AP/SAKCHAI LALIT
Une partisane du Palang Pracharat enlace le chef du parti Uttama Savanayana. © KEYSTONE/AP/SAKCHAI LALIT
Une partisane du Palang Pracharat enlace le chef du parti Uttama Savanayana. © KEYSTONE/AP/SAKCHAI LALIT


Publié le 25.03.2019


Malgré une percée de l'opposition, la junte au pouvoir en Thaïlande est bien placée pour garder le contrôle du royaume au lendemain des élections législatives entachées d'accusations de fraude et d'irrégularités. Les résultats définitifs seront connus d'ici le 9 mai.

Mais les analystes soulignaient la difficulté qu'aura la prochaine équipe au pouvoir à gouverner: aucun parti n'ayant obtenu la majorité, il lui faudra négocier pour former une coalition et le jeu des alliances sera déterminant.

Depuis des années, la Thaïlande est profondément divisée entre des factions "rouges" favorables à la famille influente Shinawatra et les "jaunes", une élite conservatrice alignée sur l'armée qui se présente comme un gage de stabilité et de protection de la monarchie.

Pays divisé

L'élection de dimanche s'est déroulée selon de nouvelles règles électorales complexes édictées par la junte. A la surprise générale, le parti pro-junte, Palang Pracharat, a remporté le vote populaire. Il a recueilli plus de 7,6 millions de voix, d'après des résultats préliminaires, sur 94% des bulletins dépouillés.

Un chiffre qui lui permet de revendiquer une légitimité. "Les gens nous ont choisis", s'est félicité son porte-parole, Kobsak Pootrakool.

Avec 7,2 millions de voix, le Pheu Thai, principal parti d'opposition proche du clan Shinawatra, a remporté 137 des 350 sièges attribués par circonscription à la Chambre des représentants, contre 97 seulement pour le Palang Pracharat, d'après des résultats publiés lundi par la Commission électorale.

Il reste cependant encore 150 sièges à pourvoir à la Chambre basse, cette fois selon un système de listes où le vote populaire importera davantage.

Nouvelle force d'opposition

Le Sénat devrait en tout cas priver le Pheu Thai d'accéder aux commandes du pays. Avant d'organiser ces élections maintes fois repoussées, la junte a en effet pris soin de s'octroyer la nomination des 250 sénateurs. Il lui suffit donc d'obtenir en tout 126 sièges à la Chambre des représentants pour garder le contrôle du royaume.

Et la junte devrait pouvoir compter sur une alliance notamment avec le Parti démocrate, traditionnelle formation des conservateurs.

Le Pheu Thai doit lui gagner au total 376 sièges pour pouvoir former un gouvernement. Une équation très difficile à réaliser, même s'il s'allie avec un nouveau parti qui a nettement percé lors de ce scrutin, Future Forward ("En avant l'avenir").

Cette nouvelle force d'opposition créé par le télégénique milliardaire Thanatorn Juangroongruangkit, très populaire auprès des jeunes, a obtenu plus de cinq millions de suffrages. "Ma plus grande crainte est le maintien au pouvoir de la junte", a relevé lundi Thanatorn.

Irrégularités dénoncées

Des accusations d'achats de vote et de partialité de la Commission électorale, nommée par les militaires, se sont multipliées lundi. Les élections ont été "truquées" et entachées d'"irrégularités" pour que l'armée conserve son pouvoir, a déclaré lundi l'ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra, évincé en 2006 par les militaires.

"Tout le monde sait en Thaïlande, toute la communauté internationale qui a observé le scrutin sait qu'il y a eu des irrégularités", a-t-il déclaré dans un entretien avec l'AFP, dénonçant "des élections truquées".

Près de deux millions de bulletins ont d'ores et déjà été invalidés en raison d'un système de cochage prêtant à confusion.

Ces irrégularités présumées agitaient les réseaux sociaux: une pétition en ligne a déjà recueilli plus de 400'000 signatures pour demander la dissolution de la Commission électorale, "la plus corrompue de l'histoire de la Thaïlande".

"Il y a eu des signalements d'achat de votes, d'irrégularités dans le dépouillement et d'intimidation des membres des partis d'opposition", a dénoncé Sunai Phasuk, de l'ONG Human Rights Watch. A cela s'ajoute, depuis des semaines, "une concurrence inéquitable en faveur du Palang Pracharat", grâce à un "contrôle des ressources de l'Etat, de l'accès aux médias d'Etat", souligne-t-il.

ats, afp

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