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Les arbres capables de transmettre une "mémoire environnementale"

Une expérience du WSL menée dans le bois de Finges (VS) a permis de démontrer l'existence d'une mémoire environnementale des arbres (archives). © KEYSTONE/ANDREE-NOELLE POT
Une expérience du WSL menée dans le bois de Finges (VS) a permis de démontrer l'existence d'une mémoire environnementale des arbres (archives). © KEYSTONE/ANDREE-NOELLE POT


Publié le 20.02.2020


Les arbres sont capables de s'adapter à de nouvelles conditions comme le réchauffement climatique. Mais ils peuvent aussi transmettre à la génération suivante une "mémoire environnementale". C'est ce qu'ont démontré les chercheurs de l'Institut WSL.

Hormis des années de sécheresse grave comme en 2018, les arbres sont capables de s'adapter au réchauffement en renforçant leurs racines. Or contrairement à ce que l'on pensait, une mémoire de cette adaptation est transmise à la génération suivante, selon l'étude publiée dans la revue "Plant, Cell & Environment". Cette aptitude pourrait permettre à la forêt de mieux résister au changement climatique.

L'équipe d'Arun Bose et d'Arthur Gessler de l'Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL) a mené une expérience de terrain dans la forêt de Finges en Valais, où les pins poussent dans des conditions extrêmement sèches.

Etude de longue haleine

Les scientifiques ont défini différentes parcelles qu'ils ont irriguées pour certaines depuis 2003, durant dix ans seulement pour d'autres. Ils ont ensuite collecté les cônes des arbres-mères pour y prélever les graines.

Une partie des jeunes plantes a germé en serre dans différentes conditions d'alimentation en eau, de lumière et de température. L'autre partie a été semée dans la forêt de Finges sur les trois types de parcelles, non irriguées, irriguées depuis 2003 ou partiellement irriguées.

Les résultats dans les serres ont été sans équivoque: les descendants des arbres habitués à la sécheresse se sont mieux développés avec peu d'eau, car ils ont constitué une masse racinaire plus importante. Mais avec un arrosage suffisant, la progéniture des arbres des parcelles irriguées avait pris de l'avance car elle avait fabriqué plus d'aiguilles.

Une première

"Il s'agit de la première démonstration que des arbres peuvent transmettre des informations environnementales à leurs descendants", résume Arthur Gessler, qui a dirigé l'étude. "Les descendants sont préparés dès le début à ce qui les attend".

L'adaptation des arbres à leur environnement repose sur les mêmes mécanismes observés pour d'autres espèces comme les animaux. Des petites molécules, appelées groupes méthyles, s'accrochent à l'ADN et ont une influence sur l'expression de certains gènes.

"Entraînement" du génome

Le potentiel génétique est le même chez tous les individus, mais grâce à la méthylation, le patrimoine génétique "sait" quels gènes améliorent la chance de survie et doivent être exprimés à plein régime dès le début de la croissance, explique Arthur Gessler.

Reste à savoir si ce mécanisme moléculaire est vérifié chez les arbres. Des chercheurs d'autres institutions vérifient actuellement cette hypothèse. Pour le professeur, ce potentiel d'adaptation au changement climatique a cependant ses limites.

Les pins vivent dans la forêt de Finges à la limite sèche de leur aire de répartition. C'est pourquoi, si le climat devient encore plus chaud et plus sec à l'avenir, même des tactiques intelligentes de méthylation ne pourront pas arrêter à long terme la mortalité des pins en Valais, pronostique M. Gessler.

ats

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