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Les Bosniens ont voté en pleine crise politique

Les Bosniens élisent sont grandes illusions. © KEYSTONE/AP/Armin Durgut
Les Bosniens élisent sont grandes illusions. © KEYSTONE/AP/Armin Durgut


Publié le 02.10.2022


Les Bosniens ont voté dimanche sans beaucoup d'illusions dans un climat de crise marqué par les menaces sécessionnistes, les divisions ethniques croissantes et les craintes de nouvelles turbulences.

Les électeurs ont participé à un scrutin complexe pour désigner entre autres les trois membres de la présidence collégiale de la Bosnie, les députés du Parlement central et une série de représentations locales.

Les bureaux ont fermé à 17H00 GMT (19h en Suisse) mais des résultats préliminaires ne sont pas attendus avant tard dans la nuit.

Entre menaces sécessionnistes des Serbes orthodoxes, frustrations des Croates catholiques qui ne veulent plus cohabiter avec les Bosniaques musulmans et rêves "d'Etat citoyen" de nombre de ces derniers, beaucoup craignent pour l'intégrité même du pays pauvre des Balkans.

Dysfonctionnel

La Bosnie est gouvernée selon un système dysfonctionnel hérité des accords de paix de Dayton qui avaient mis fin à la guerre intercommunautaire en 1990. Le pays est divisé entre une entité serbe, la Republika Srpska (RS), et une fédération croato-musulmane, reliées par un faible pouvoir central souvent paralysé.

"Je n'espère rien. Je vote car c'est la seule chose que je puisse faire en tant qu'individu", a déclaré Amra Besic, économiste de 57 ans.

Juste après la fermeture des urnes, le Haut Représentant international Christian Schmidt a annoncé une réforme de la loi électorale dans l'entité croato-musulmane où aucun gouvernement n'a pu être désigné à l'issue des dernières élections de 2018 en raison des désaccords entre les deux communautés, faisant craindre de nouveaux soubresauts dans le pays fragile.

"Ces mesures visent à améliorer la fonctionnalité de (l'entité) et à assurer la prompte mise en oeuvre du résultats des élections", a dit dans un communiqué le Haut représentant, doté d'importants pouvoirs discrétionnaires en Bosnie.

Surenchère

Dans les trois communautés, des chefs qui occupent depuis longtemps le devant de la scène se livrent à la surenchère nationaliste pour se maintenir au pouvoir pendant que tous ceux qui le peuvent choisissent l'exil face à l'absence de perspectives tant politiques qu'économiques.

Près de 500'000 personnes ont quitté le pays depuis le dernier recensement de 2013, quand il comptait 3,5 millions d'habitants, selon les estimations de l'Union pour un retour durable, une ONG locale.

Milorad Dodik, chef politique des Serbes de Bosnie et représentant serbe sortant de la présidence collégiale, vise cette fois-ci la présidence de la RS. Le nationaliste de 63 ans a multiplié ces derniers mois les menaces sécessionnistes qui lui ont valu des sanctions de Washington et de Londres, tout en répétant à l'envi que la Bosnie était un pays "raté".

"Les gens sont motivés pour voter pour la stabilité, la paix, une vie sûre dans cette région", a-t-il assuré après avoir voté dans son village natal de Laktasi.

Certains analystes parient sur une victoire de ce grand admirateur du président russe Vladimir Poutine même si sa principale concurrente, Jelena Trivic, universitaire de 39 ans, assure le contraire.

Elle aussi joue une partition nationaliste mais promet de pourfendre la kleptocratie instaurée selon elle par Milorad Dodik: "Notre vengeance s'exercera au moyen de la loi".

SDA au pouvoir?

Dans la communauté bosniaque, Bakir Izetbegovic, chef du principal parti, le SDA nationaliste qui domine la vie politique depuis des décennies, brigue un troisième mandat au fauteuil musulman de la présidence tripartite. Il a appelé les Bosniens à élire des représentants "qui ne vont pas créer des blocus et des crises, qui ne vont pas chasser les jeunes hors de la Bosnie-Herzégovine".

Fils du premier président de la Bosnie indépendante, il affronte une situation plus périlleuse qu'avant face à un candidat soutenu par onze partis d'opposition. Denis Becirovic, professeur d'histoire de 46 ans, milite pour une Bosnie "pro-européenne et unie".

De leur côté, les Croates sont mécontents de devoir partager une fédération avec les Bosniaques et tous les partis croates réclament une entité propre ou une modification des règles électorales.

Celles-ci permettent aux Bosniaques largement majoritaires démographiquement au sein de l'entité commune d'élire de fait le membre croate à la présidence collégiale. Les Croates réclament aussi de nouveaux mécanismes pour choisir leurs représentants à la chambre haute de la fédération, ce que refusent les Bosniaques.

Certains craignent des turbulences potentielles en cas de victoire du co-président croate sortant, Zeljko Komsic, porte-drapeau d'un Etat "citoyen" considéré comme "illégitime" par une grande partie de sa communauté, qui affronte Borjana Kristo, candidate du HDZ nationaliste.

ats, afp

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