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Les combats gagnent des villes d'Afghanistan

Les forces afghanes, notamment déployées à Hérat (image), se sont montrées jusqu'ici peu combattives face aux talibans (Archives). © KEYSTONE/EPA/JALIL REZAYEE
Les forces afghanes, notamment déployées à Hérat (image), se sont montrées jusqu'ici peu combattives face aux talibans (Archives). © KEYSTONE/EPA/JALIL REZAYEE


Publié le 01.08.2021


Cadavres dans les rues, pluie de bombes, coupures d'électricité, habitants en fuite ou chassés de chez eux par les insurgés. Les combats entre talibans et forces afghanes, jusqu'ici limités aux zones rurales, ont gagné trois grandes villes d'Afghanistan.

A Lashkar Gah, capitale de la province méridionale du Helmand, talibans et forces afghanes s'affrontent "rue par rue", a raconté par téléphone à l'AFP Badshah Khan, un habitant. "Chaque minute, l'aviation bombarde la ville.

Chaque centimètre de la ville a été bombardé", poursuit-il, "il y a des cadavres dans les rues. Il y a des cadavres sur la place centrale", a-t-il ajouté. "Ceux qui ont pu ont fui la ville. De nombreuses familles campent désormais, à la belle étoile, sur les rives de la rivière Helmand", à la sortie de la ville de 200'000 habitants.

Hazrat Omar Shirzad, autre habitant de Lashkar Gah, est furieux, après avoir été chassé de chez lui par les talibans afin qu'ils puissent s'y protéger des frappes de l'aviation afghane: "c'était le jour le plus triste de ma vie". "L'Emirat islamique (les talibans, ndlr) met le feu à la Terre et la République (les autorités afghanes) enflamment le ciel. Tout le monde se fiche de la nation", a lancé M. Shirzad, joint par l'AFP.

Avenir incertain

Dimanche en fin de journée, le gouvernement affirmait contrôler toujours Lashkar Gah, grâce à des frappes aériennes sans relâche, mais l'avenir de la ville semblait bien incertain.

Après s'être emparés depuis trois mois de vastes territoires ruraux à travers l'Afghanistan au cours d'une offensive éclair lancée à la faveur du retrait, désormais quasiment achevé, des troupes internationales, les talibans semblent tourner leurs forces vers des grandes villes.

Lors de leur offensive, les talibans n'ont rencontré que peu de résistance de la part des forces afghanes, retranchées dans les capitales provinciales qu'elles doivent désormais défendre becs et ongles.

Habitants en fuite

A Hérat, "la situation sécuritaire empire chaque jour", déplore Agha Reza, un commerçant de la grande ville de l'ouest du pays, forte de 600'000 habitants, "assiégée par les talibans" et qui, craint-il, pourrait bien tomber entre leurs mains.

Il regrette que les autorités ne distribuent pas d'armes aux miliciens d'Ismail Khan, vétéran de la lutte contre l'occupant soviétique (1979-1989) et puissant chef de guerre local antitalibans, qui prêtent main-forte aux forces afghanes, semblant faire plus confiance aux premiers qu'aux secondes.

"Depuis quatre jours, les combats sont très proches de la ville. L'activité est morte et la plupart des magasins sont fermés", explique-t-il, "la plupart des habitants ont fui, l'électricité va et vient, certaines routes sont coupées par les combats".

A l'école, dimanche, "seuls les garçons ont osé venir", raconte une enseignante d'Hérat ayant requis l'anonymat. "La nuit dernière, nous entendions beaucoup d'avions au-dessus de la ville".

Berceau du mouvement taliban

A Kandahar, la grande ville du sud, s'entassent, dans des camps de fortune hâtivement mis sur pied par les autorités, des milliers d'habitants des faubourgs, où les talibans harcèlent les forces afghanes depuis plusieurs semaines.

"Les talibans utilisent les domiciles des civils" pour se protéger, explique Khalid Hewadmal. Ces derniers jours, "ils nous ont ordonné de quitter nos maisons, disant que nous serions responsables" si quelque chose arrivait. "Des dizaines de familles, dont nous, sommes partis. Nous avions peur d'être pris dans les combats", ajoute-t-il.

Cette ville de 650'000 habitants, la deuxième d'Afghanistan, est le berceau du mouvement taliban. Ceux-ci en avaient fait l'épicentre de leur régime quand ils gouvernaient l'Afghanistan (1996-2001), imposant leur version ultrarigoriste de la loi islamique.

Le gouvernement afghan a jusqu'ici minimisé la valeur stratégique des conquêtes territoriales rurales des talibans. Mais la prise d'une ou plusieurs capitales provinciales pourraient porter un coup très dur à sa capacité à inverser la tendance sur le champ de bataille.

ats, afp

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