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Licenciement abusif d'un médecin après le décès d'une recrue

Le médecin-chef était très affecté par la mort d'une recrue lors d'une marche (archives) © KEYSTONE/CHRISTIAN BEUTLER
Le médecin-chef était très affecté par la mort d'une recrue lors d'une marche (archives) © KEYSTONE/CHRISTIAN BEUTLER


Publié le 14.12.2018


Le licenciement d'un médecin militaire après une longue incapacité de travail est abusif, selon le Tribunal administratif fédéral. L'armée devra verser une importante indemnité à ce collaborateur impliqué dans le décès d'une recrue en 2012 à Bière (VD).

Selon les juges de Saint-Gall, l'Etat-Major de l'armée a enfreint gravement et à multiples reprises son devoir d'assistance envers son collaborateur. En outre, elle a violé le principe d'un exercice mesuré des droits. La cour a alloué à ce médecin-chef, âgé aujourd'hui de 60 ans, une indemnité correspondant à 18 mois de salaire. Ce jugement peut être encore attaqué devant le Tribunal fédéral.

Le licenciement du médecin pour le 31 août 2017 devait mettre un terme à une collaboration devenue toujours plus difficile au sein du Service sanitaire coordonné. Le médecin avait été gravement affecté par le décès d'une recrue qu'il avait déclarée apte au service malgré un électro-cardiogramme anormal lors du recrutement. Une affaire qui est toujours pendante devant la justice vaudoise.

Conflits et arrêt de travail

A ce drame étaient venus s'ajouter des conflits avec le personnel soignant du service sanitaire. Depuis avril 2015, le médecin-chef était en arrêt de travail pour cause de maladie. Malgré plusieurs tentatives de réintégration, il n'avait pas pu reprendre d'activité au sein du service.

L'armée justifiait le congé en soulignant qu'elle avait versé son salaire durant plus de deux ans à un collaborateur qui avait "torpillé sciemment" les tentatives de réintégration et violé son devoir de coopération. Le médecin-chef répondait au contraire que l'employeur s'était joué de lui et n'avait jamais songé sérieusement à le reprendre.

Dans un arrêt publié vendredi, le Tribunal administratif fédéral souligne que l'armée aurait dû proposer un soutien à son collaborateur après le drame de 2012. Elle pouvait se douter qu'il lui serait difficile de continuer à exercer une activité en relation avec la mort d'un jeune homme.

Propositions escamotées

Les juges de Saint-Gall relèvent aussi que l'armée n'a pas pris les mesures propres à désamorcer le conflit avec le personnel soignant. Alors même que le recourant, qui était très bien noté, avait proposé à plusieurs reprises des solutions.

Enfin, la cour s'étonne que deux postes correspondant aux capacités du médecin-chef ne lui aient pas été transmis. Des places qui avaient été choisies à son intention par le chef du Service sanitaire coordonné. Pourtant, soulignent les magistrats, l'armée était consciente des difficultés que son collaborateur rencontrerait pour retrouver du travail vu son âge et son état de santé.

Afin de déterminer le montant de l'indemnisation pour licenciement abusif, la cour administrative a tenu compte aussi de la rente partielle accordée entre-temps par l'assurance-invalidé avec effet rétroactif à avril 2016.

Dans une procédure séparée, le Tribunal administratif fédéral a admis un autre recours du médecin-chef. Celui-ci demandait que son salaire soit versé au-delà de la période de deux ans prévue en cas d'incapacité de travail. La juridiction a constaté que l'armée avait rejeté sa demande au seul motif que le recourant avait eu un salaire élevé et qu'il avait pu faire des économies.

Les juges ont estimé que l'armée ne pouvait pas se dispenser d'examiner la situation financière exacte de son ancien collaborateur, ce d'autant plus qu'il a deux enfants à charge. Cette demande est renvoyée pour nouvelle décision. (arrêts A-2019/2017 et A-3005/2017 du 4 décembre 2018)

ats

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