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Lien entre sclérose en plaques et infections virales infantiles

Cette image montre une coloration des lymphocytes T (cyan) exprimant la chimiokine CCL5 (jaune), une protéine qui appelle les cellules auto-réactives. Celles-ci se concentrent à l'endroit d'une ancienne infection virale (rose) contractée durant l'enfance. © UNIGE/Doron Merkler
Cette image montre une coloration des lymphocytes T (cyan) exprimant la chimiokine CCL5 (jaune), une protéine qui appelle les cellules auto-réactives. Celles-ci se concentrent à l'endroit d'une ancienne infection virale (rose) contractée durant l'enfance. © UNIGE/Doron Merkler


Publié le 26.06.2019


Des chercheurs genevois ont découvert un lien entre les infections virales cérébrales dans l’enfance et le développement de la sclérose en plaques à l’âge adulte. Ces travaux donnent un premier élément de réponse sur l’une des causes possibles de cette grave maladie.

La sclérose en plaques touche en Suisse une personne sur 1000, dont deux tiers de femmes. Il s’agit de la maladie auto-immune cérébrale la plus fréquente. Il n’existe pas encore de traitement pouvant la guérir, et les causes de son déclenchement vers l’âge de 30 ans ne sont pas encore connues, a indiqué mercredi l'Université de Genève (UNIGE) dans un communiqué.

Les chercheurs se sont intéressés aux infections virales cérébrales contractées durant la petite enfance. Elles peuvent être gérées rapidement par le système immunitaire et rester asymptomatiques.

"Mais une telle infection transitoire peut, dans certaines circonstances, laisser une empreinte locale dans le cerveau, que l’on pourrait caractériser de signature inflammatoire", relève Doron Merkler, professeur au Département de pathologie et d’immunologie de l’UNIGE et médecin-adjoint agrégé aux Hôpitaux universitaires de Genève.

L’enfance, moment charnière

Pour vérifier cette hypothèse, les scientifiques ont provoqué une infection virale transitoire chez un groupe de souris adultes et chez un groupe de souriceaux. "Dans les deux cas, les souris n’ont présenté aucun signe de la maladie et ont éliminé l’infection en une semaine, montrant une réponse anti-virale similaire", précise Karin Steinbach, chercheuse à l’UNIGE.

Les chercheurs ont ensuite laissé vieillir les deux groupes de souris, puis leur ont transféré des cellules immunitaires dirigées contre les structures du cerveau, nommées cellules auto-réactives, que l’on retrouve chez un patient atteint de sclérose en plaques.

Chez le groupe de souris infectées par le virus à l’âge adulte, les cellules auto-réactives n’ont pas induit de lésions cérébrales. Par contre, chez les souris infectées lorsqu’elles étaient petites, ces cellules ont migré vers le cerveau, à l’endroit précis de l’infection contractée par le souriceau, et ont commencé à en détruire les structures.

Accumulation de lymphocytes T

En analysant les tissus de la zone infectée par le virus chez le groupe de souriceaux, les chercheurs ont observé une accumulation d’un sous-type de cellules immunitaires: les lymphocytes T à mémoire résidant dans le tissu cérébral.

"Normalement, ces dernières sont distribuées dans tout le cerveau, prêtes à le protéger en cas d’attaque virale. Mais ici, ces cellules s’amassent en surnombre à l’endroit précis de l’infection infantile, changeant la structure du tissu", s’étonne Doron Merkler.

Cette accumulation produit une molécule qui attire spécifiquement les cellules auto-réactives, leurs ouvrant l’accès au cerveau. Elles se mettent alors à en détruire les structures, provoquant la maladie auto-immune.

"Afin de vérifier cette observation, nous avons bloqué le récepteur des cellules auto-réactives qui perçoit le signal produit par l’accumulation des lymphocytes T à mémoire résidant dans le cerveau, et effectivement, les souris ont été protégées des lésions cérébrales", s’enthousiasme le chercheur genevois.

Présente également chez l’humain

"Nous avons ensuite regardé si, chez les personnes atteintes de sclérose en plaques, nous retrouvions cette accumulation de lymphocytes T, et c’est bien le cas", note Karin Steinbach. Un tel mécanisme pourrait donc exister chez l’homme, mais cela nécessite une étude plus approfondie.

"Nous poursuivons nos recherches dans cette direction, notamment afin de comprendre pourquoi les lymphocytes T s’accumulent dans le cerveau chez l'enfant suite à l’infection, mais ne le font pas à l’âge adulte", conclut Karin Steinbach. Ces travaux sont publiés dans la revue Science Translational Medicine.

ats

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