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Affaire des "écoutes": Nicolas Sarkozy dénonce des "infamies"

Nicolas Sarkozy encourt dix ans d'emprisonnement et un million d'euros d'amende pour corruption et trafic d'influence. © KEYSTONE/AP/Christophe Ena
Nicolas Sarkozy encourt dix ans d'emprisonnement et un million d'euros d'amende pour corruption et trafic d'influence. © KEYSTONE/AP/Christophe Ena
Nicolas Sarkozy encourt dix ans d'emprisonnement et un million d'euros d'amende pour corruption et trafic d'influence. © KEYSTONE/AP/Christophe Ena
Nicolas Sarkozy encourt dix ans d'emprisonnement et un million d'euros d'amende pour corruption et trafic d'influence. © KEYSTONE/AP/Christophe Ena


Publié le 30.11.2020


L'ex-président Nicolas Sarkozy a dénoncé devant le tribunal de Paris des "infamies" lors de son procès pour corruption dans l'affaire des "écoutes". Le procès a réellement débuté lundi avec une charge de la défense contre la procédure, dont elle demande l'annulation.

Appelé à la barre pour la lecture des infractions qui lui sont reprochées, l'ancien chef de l'Etat s'est insurgé, dans ses premiers mots au tribunal, contre des "infamies", qui le "(poursuivent) depuis six ans". Il s'est ensuite assis près de ses deux coprévenus: son avocat Thierry Herzog et l'ancien haut-magistrat Gilbert Azibert.

Pendant les six heures de contestations procédurales, parsemées d'invectives envers le parquet national financier (PNF), l'ex-chef de l'Etat, jambes croisées et mains jointes devant lui, a souvent opiné du chef aux arguments soulevés par son camp.

Comme prévu, la défense s'est attaquée à ce qu'elle qualifie de "nombreuses dérives" et de "violations répétées, graves" de ses droits dans ce dossier. Les conseils des trois prévenus ont unanimement demandé "l'annulation de la procédure toute entière" et donc des poursuites.

Dans l'affaire des "écoutes", Nicolas Sarkozy, 65 ans, est soupçonné d'avoir, avec Me Herzog, tenté de corrompre Gilbert Azibert, alors en poste à la Cour de cassation.

Selon l'accusation, Nicolas Sarkozy cherchait à obtenir des informations couvertes par le secret, voire à peser sur une procédure engagée devant la haute juridiction liée à l'affaire Bettencourt dans laquelle il avait obtenu un non-lieu fin 2013. En contrepartie, il aurait donné un "coup de pouce" à Gilbert Azibert pour un poste de prestige convoité par ce dernier à Monaco, mais qu'il n'a jamais obtenu.

"Violation" du secret

Ce procès, pour lequel Nicolas Sarkozy encourt dix ans d'emprisonnement et un million d'euros d'amende, est inédit: jamais un ancien chef de l'État n'avait été jugé pour corruption sous la Ve République.

L'affaire est née d'écoutes téléphoniques interceptées dans le cadre d'un autre dossier judiciaire visant Nicolas Sarkozy, celui de soupçons de financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007. Dans le cadre de ces investigations, les juges ont découvert en 2014 l'existence d'une ligne téléphonique officieuse entre l'ancien président et son avocat, Thierry Herzog, ouverte sous le nom de "Paul Bismuth".

Socle de l'accusation, selon laquelle elles révèlent l'existence d'un "pacte de corruption", les écoutes judiciaires avaient été validées en 2016 par la Cour de cassation.

Quatre ans après ce revers, la défense a plaidé lundi pour qu'elles soient "écartées des débats", en raison d'une "violation" du secret des échanges entre un avocat et son client. Les conseils des prévenus s'appuient entre autres sur un arrêt rendu en juin 2016 par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH), qui a estimé que la retranscription d'écoutes peut être utilisée contre un avocat mais pas contre son client.

La défense a surtout réclamé l'annulation pure et simple de la procédure, brandissant une "inégalité des armes" liée à une enquête préliminaire "parallèle" du PNF, une affaire dans l'affaire.

"Taupe"

Cette enquête visait à tenter de trouver la "taupe" qui aurait informé Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog que leur ligne "Bismuth" était sur écoute. Dans ce cadre, les fadettes de nombreux avocats ont été épluchées, certaines même géolocalisés.

La défense a accusé le PNF de l'avoir délibérément "cachée", alors qu'elle contenait des "éléments à décharge". Et "en dépit de moyens exceptionnels, démesurés, dérogatoires et scandaleux", elle a été classée sans suite fin 2019, a souligné Jacqueline Laffont, avocate de Nicolas Sarkozy.

"Esprit de complotisme"

Réfutant "tout stratagème de dissimulation", l'un des procureurs financiers Jean-Luc Blachon a ironisé sur "l'esprit de complotisme" de la défense. "Aucun texte n'imposait au ministère public de communiquer cette enquête", a estimé le magistrat.

"Nous prêter la théorie du complot comme sous-jacente de notre position est particulièrement insultant", a répliqué Hervé Temime, l'un des avocats de Me Herzog.

Le tribunal correctionnel se prononcera à la reprise, mardi à 13h30, sur les demandes de la défense. Il peut y faire droit, les rejeter ou décider de "joindre les incidents au fond", c'est-à-dire de les trancher lors du jugement.

Le procès s'était ouvert le 23 novembre mais avait été aussitôt suspendu pour trois jours. L'ex-haut magistrat Gilbert Azibert, 73 ans, avait sollicité le renvoi de l'audience, invoquant sa santé fragile dans le contexte de l'épidémie de coronavirus. Cette demande avait été rejetée jeudi par le tribunal après une expertise médicale.

ats, afp

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